Plus de 10 ans après sa prise de pouvoir, le président de la fédération française de football est fragilisé par les scandales d’agressions sexuelles et une communication hasardeuse. De quoi ternir largement l’image que le Guingampais s’est forgée dans le football depuis 50 ans. Mais qui est réellement l’homme qui dirige la première fédération sportive française ?
Noël Le Graët est né un 25 décembre. Cela ne s’invente pas. Issu d’une famille pauvre près de Guingamp. Il crée à 33 ans la société Le Graët spécialisée dans l’agroalimentaire, l’entreprise emploie environ 700 personnes dans le département des Côtes d’Armor. En parallèle de ces activités, Le Graët préside l’«En Avant Guingamp », modeste club régional dont les meilleurs éléments s’exportent vers les centres de formation des grands clubs de la région et plus particulièrement vers Lorient et Brest. Ce qui déplait forcément à l’homme d’affaires qui a des ambitions nationales pour le club de cette ville de 20 000 âmes.
Un animal politique
Tous ceux qui ont croisé la route de Noël Le Graët le décrivent comme un politique hors pair et ce, dès son élection en 1991 à la tête de la ligue nationale de football. Une présidence marquée par ses prises de position face à Bernard Tapie. Lorsque le scandale de l’affaire VA-OM éclate, NLG est en première ligne pour défendre les intérêts de la ligue. Il entreprend d’assainir les finances des clubs professionnels avec la création de la DNCG ( Direction nationale du contrôle de gestion), un organisme chargé de contrôler la santé financière des clubs. Mais les ambitions du costarmoricain ne se limitent pas uniquement au foot et il devient en 1995 maire de Guingamp. Pendant 13 ans, Le Graët s’attèle à redonner une attractivité à un territoire rural qui souffre de son éloignement aussi bien avec le littoral mais également avec Rennes, la capitale économique de la Bretagne. Grâce à des rachats d’usines dans différents secteurs de l’agroalimentaire, il permet à Guingamp et ses alentours de respirer économiquement. Il noue des liens importants avec des politiques et certains lui prêtent des ambitions nationales au-delà du football. Il est d’ailleurs pressenti pour devenir ministre de l’agriculture ou des sports dans le gouvernement de Lionel Jospin en 1997, mais c’est un autre Breton, Louis Le Pensec, puis Marie-Georges Buffet qui seront finalement désignés. Cette non nomination marque la fin des ambitions nationales de Le Graët qui reste président de la Ligue avant de revêtir le costume de vice-président de la FFF en 2004.
Le rescapé de Knysna
La carrière de Noël Le Graët aurait pu basculer dans un tout autre sens en 2008. Après l’échec cuisant des Bleus de Raymond Domenech lors de L’Euro. Le sélectionneur est largement critiqué d’un point de vue sportif mais également médiatique. Sa demande en mariage à la journaliste Estelle Denis en direct après l’élimination des Bleus passe mal auprès de l’opinion publique. Alors que les vents sont contraires à Domenech, Noël Le Graët va apporter son soutien au sélectionneur pour qu’il soit reconduit en vue de la coupe du monde 2010. Deux ans plus tard, alors que tous les exécutifs de la fédération et notamment le président Jean-Pierre Escalettes démissionnent après le naufrage de Knysna, le Guingampais profite de la situation pour accéder à la présidence de la fédération. Alors qu’il aurait dû logiquement faire partie de la vague de démission après le plus grand scandale de l’histoire du foot, le Breton s’en sort grâce à des soutiens au sein de la fédération et dans le monde politique qui voit en lui l’homme idéal pour redresser un navire à la dérive. Les premières années de mandatures du président Le Graët se déroulent sans trop d’embûches, l’équipe de France retrouve les sommets avec Didier Deschamps à sa tête. Il est réélu en 2017 pour un troisième mandat à la tête de la 3F avec 57% des voix.
2019 : Les premières polémiques
Avant 2019, les positions de Noël Le Graët sont rarement remises en cause. Jusqu’à une crise qui va marquer un tournant dans sa présidence de la fédération. Alors que la ministre de l’époque Roxana Maracineanu s’engage au côté de la Ligue contre l’homophobie dans les stades, le président de la fédé prend le contrepied en s’agaçant face aux matchs arrêtés tous les week-ends. Demandant aux arbitres de ne plus arrêter les matchs, il justifie cette prise de position en expliquant que « le racisme et l’homophobie ce n’est pas la même chose ». Cette déclaration provoque la première grosse polémique de la présidence Le Graët et ce ne sera pas la dernière. Quelques mois plus tard, c’est sur la question du racisme qu’il dérape en affirmant que « le racisme n’existe pas ou peu dans le sport et dans le foot en particulier ». Puis en Juillet 2021, il tente de venir à la rescousse d’Antoine Griezmann et d’Ousmane Dembélé lorsque les deux stars des Bleus sont au cœur d’une polémique après des gestes racistes envers les Japonais en affirmant que les deux joueurs sont « vraiment gentils ». Ces différentes sorties minimisant les phénomènes discriminatoires dans le football commencent à agacer au plus haut sommet de l’État où le Breton à pourtant ses entrées car durant sa présidence il a entretenu de bonnes relations avec François Hollande et Emmanuel Macron.
Les accusations d’agressions sexuelles
En Septembre 2022, à deux mois de la Coupe du Monde au Qatar. Le président de la fédération est visé par une enquête du magazine So Foot, cette enquête contient des témoignages d’anciennes salariées de la FFF révélant avoir reçu des SMS à caractère sexuel de la part du président mais également qu’un climat toxique est entretenu au sein des bureaux de la fédération par Noël Le Graët et sa directrice générale Florence Hardouin. NLG dément formellement ces accusations, en disant qu’il « ne sait pas envoyer un SMS ». La ministre des Sports Amélie Oudéa Castera a demandé un audit de la 3F après les révélations de So Foot pour connaître la responsabilité de Le Graët dans cette affaire.
Mais ce ne sont pas les seules secousses qui ont agité les derniers mois de présidence de l’homme de 81 ans. Touché par la maladie, il apparaît affaibli physiquement et beaucoup remettent en cause sa capacité à diriger et à prendre des décisions. D’autres dénoncent son penchant pour le champagne.
La dernière polémique autour de ses propos sur Zinédine Zidane semble sonner le glas de la carrière d’un homme qui aura autant su combattre que céder aux affres du football professionnel.