Samedi dernier, des milliers de manifestants se sont réunis à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres pour protester contre le projet de méga bassine. Alors que la préfecture avait interdit le défilé, la manifestation s’est muée en champ de bataille. Entre bombes lacrymogènes et cocktail Molotov, qui, des forces de l’ordre ou des manifestants, est le réel coupable ?
Ce samedi, des centaines de personnes étaient attendues à Sainte-Soline pour protester contre le projet des mégabassines. Bien qu’entendu, lu et vu, le terme de méga bassine demeure pour beaucoup source d’incompréhension. Concrètement, il s’agit d’une grande piscine creusée dans des champs. Son but est de prélever l’eau des nappes phréatiques pour redistribuer les ressources aqueuses et ainsi permettre d’irriguer les récoltes au printemps et en été.
Si le projet est contesté, c’est parce que la sécheresse inédite subie par la France en ce début d’année contraste avec le projet anti-écologiste de réserve d’eau pour l’irrigation agricole. D’après le service géologique nationale, les nappes phréatiques restent sous les normales de saison avec 80 % des niveau modérément bas à très bas. Ce conflit entre volonté productive et protection de l’environnement participe à attiser les tensions entre producteurs, Etat, et écologistes.
Du champ d’action au champ de bataille
La manifestation illégale souffrait avant même son commencement d’une réputation désastreuse. En octobre dernier, un défilé similaire avait déjà eu lieu, faisant 61 blessés chez les gendarmes. Les forces de l’ordre s’attendaient ainsi ce samedi à des affrontements violents, malgré l’interdiction préfectorale de défiler.
En tout 6 à 30 000 manifestants se seraient rassemblés contre 3 000 gendarmes. Malgré les précautions prises en amont, le défilé vire rapidement au chaos. Une partie du cortège est contraint de se disperser. Visés par des gaz lacrymogènes de type GM2L, les manifestants tentent de fuir alors que les gendarmes circulent en quad. Certains officiers tirent même sur les manifestants alors qu’ils sont en mouvement. Plus qu’une scène de protestation, on pourrait croire à un combat épique.
Alors que les manifestants prévoyaient une protestation plus ou moins pacifique, le chantier de Sainte-Soline se métamorphose en véritable champ de bataille. D’autre part, plusieurs controverses naissent : la gestion de la crise par les gendarmes fait débat.
Jamais deux sans trois
Tout d’abord, les armes utilisées par les gendarmes relèvent de matériel de guerre selon le code de la sécurité intérieure. Puis, l’intensité des réponses policières porte à confusion. Au cours du défilé, deux manifestants doivent être emmenés aux urgences. L’un d’eux, 32 ans, est grièvement blessé à la tête probablement par une grenade tirée par les gendarmes. Le parquet de Niort a cependant noté que les premières investigations n’avaient « pas permis de déterminer l’origine de la blessure ». Les parents de la victime portent plainte pour tentative de meurtre contre X, leur fils est toujours plongé dans le coma.
Enfin, puisqu’on n’affirme « jamais deux sans droit », une troisième controverse naît concernant la vitesse de prise en charge des victimes. Alors que des élus et des observateurs de la Ligue des droits de l’Homme dénoncent des entraves par les forces de l’ordre à l’arrivée des secours, les autorités, quant à elles, se défendent en invoquant la nécessité de sécuriser les lieux.
Malgré toutes les accusations, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, assure qu’ « aucune arme de guerre n’a été utilisée par les forces de l’ordre, seulement des armes intermédiaires ». En contrepartie, il accuse les manifestants d’avoir employé des armes et d’avoir causé eux même le jet de grenades lacrymogènes.
Parmi, les associations présentes, l’ONG Soulèvement de la terre est la première à souffrir du chaos de samedi. Accusée par Gérald Darmanin d’avoir attisé la violence, le ministre de l’Intérieur a initié le processus de dissolution du groupe radical écologiste.
Une enquête est toujours ouverte, quoi qu’il arrive, les incidents de Sainte-Soline ne réconcilieront pas police et manifestants.