Il pourrait révolutionner le monde scientifique et le monde de la santé. Il pourrait soigner plus facilement grâce à son pouvoir d’anticipation. L’histoire d’un test sanguin, susceptible de révolutionner le diagnostic de la maladie d’Alzheimer, et cela même avant l’apparition des premiers symptômes.
Un million de Français. Un chiffre que les avancées scientifiques atténueront peut-être un jour. Pas encore à ce stade, les chercheurs ont néanmoins élaboré un test sanguin permettant le diagnostic de la maladie. Un pas important quand on sait qu’elle s’installe plusieurs années avant l’apparition des premiers symptômes. Décrite en des termes de démence dès 1907 par le Dr Aloïs Alzheimer, cette maladie neurodégénérative avance quelque peu masquée. Mais les recherches sont parvenues, au fil du temps et des progrès liés au XXIe siècle, à des découvertes pour le moins remarquables.
Par exemple, depuis 2017, les scientifiques ont analysé le microbiote intestinal chez les patients atteints de la maladie. Ils y ont observé une réduction de sa diversité. Aussi, l’intelligence artificielle a permis de mieux comprendre les interactions moléculaires. Le développement de l’imagerie cérébrale et du TEP-Scan (Tomographie par émission de positrons) a considérablement amélioré la détection des lésions du cerveau, tout en observant leur évolution.
« Il peut se passer 15 ans pendant lesquels la maladie reste silencieuse »
Hélas, ces méthodes, aussi efficaces puissent-elles être, sont coûteuses et parfois lourdes pour le patient. Alors, pour s’en affranchir, certains médecins ont cherché à mesurer des « traces » de la maladie directement dans le sang des malades. Les résultats, inespérés en raison des échecs consécutifs qu’ont essuyés plusieurs équipes, se sont avérés positifs. C’est un marqueur sanguin qui serait à l’origine de la prouesse scientifique : le p‑tau217. Bien plus qu’un nom de code, cette forme particulière est issue de la protéine Tau. Cette dernière s’immisce dans les neurones, sous forme d’agrégats, lesquels se propagent dans le cerveau. Dans une étude de Jama Neurology, des chercheurs démontrent que la version commercialisable de ce test semble être aussi précise que les examens de référence actuels. D’après Jean-Charles Lambert, directeur de l’équipe de recherche apparentée à l’Inserm, « 60 % des personnes atteintes échappent toujours à son diagnostic car elles ne viennent pas consulter ou sont découragées par les délais de consultation. »
Des résultats encourageants
L’étude mère du dépistage remonte à 2020. Trois ans plus tard, les scientifiques établissent le test sanguin ALZpath-ptau 217, servant de biomarqueur. Très vite, la firme américaine Quanterix met la main sur le test, uniquement à des fins de recherche. Pour démontrer son utilisation en routine, une étude, visant à démontrer l’efficacité du dépistage, est menée sur 786 patients. En moyenne, ils sont âgés de 66 ans, tous avaient été diagnostiqués grâce aux examens de référence. La robustesse du dépistage est surprenante. Avec 96 % de précision, il a permis l’identification des patients présentant des niveaux élevés de bêta-amyloïde. Jusqu’à 97 % pour la fameuse protéine Tau. Giovanni Frisoni, responsable du centre de la mémoire et professeur en neurosciences cliniques à l’université de Genève, décrypte les résultats : « C’est impressionnant car cela signifie que ce test est aussi performant que les analyses du liquide céphalorachidien et les scanners cérébraux. » L’emploi du conditionnel est de rigueur lorsqu’on parle de science, mais les chercheurs soulignent tout de même le possible évitement des examens invasifs, ce dans 62 % à 87 % des cas. Le reste des patients se situe en zone grise, c’est-à-dire que les niveaux de biomarqueurs mesurés n’étaient pas suffisamment anormaux pour confirmer le diagnostic. Dans ce cas, les médecins n’ont d’autres choix que de recourir à l’imagerie médicale et/ou à la ponction lombaire.
Prudence est mère de sûreté
Les scientifiques appellent à rester prudent sur ce test. Le Dr Villain précise que la dernière publication en date « n’est pas le dernier feu vert avant son utilisation généralisée. » Reste donc quelques montagnes à franchir. Premièrement, les personnes qui sont porteurs des agrégats de protéines amyloïdes et Tau dans le cerveau ne développeront pas forcément la maladie. Deuxièmement, ce test, étant intiment lié à la maladie d’Alzheimer, ne permet pas de détecter les autres causes possibles de démences avec des symptômes proches, « or, la maladie d’Alzheimer représente environ 60 % des démences », précise le Pr Lambert. Troisièmement, avec une spécificité de 95 %, le risque de produire des faux positifs, c’est-à-dire des personnes diagnostiquées alors qu’elles ne souffrent pas de la maladie, n’est pas exclu. Le Pr Giovanni Frisoni insiste sur l’importance d’évaluer ce test en population générale et dans un contexte de routine clinique.