Obtenir une information en quelques secondes, c’est la promesse de ChatGPT. Depuis son lancement le 30 novembre 2022, cette intelligence artificielle s’est imposée comme un outil incontournable. Mais derrière cette prouesse technologique se cache une réalité moins visible, celle de son impact environnemental.
On l’utilise pour tout et n’importe quoi : trouver des idées de repas, préparer un programme de sport, voire sauver la mise à quelques étudiants dans la rédaction de leur mémoire… ChatGPT est devenu en deux ans un outil du quotidien pour plus de 200 millions d’utilisateurs réguliers. Mais derrière cette rapidité bluffante se cache une autre réalité, celle d’un coût écologique difficile à estimer. Pour en savoir davantage, nous avons décidé de poser la question à l’intéressé. Spoiler : il a des choses à se reprocher.
— ChatGPT, est-ce que tu pollues ?
— « Mon empreinte environnementale est relativement faible comparée aux services physiques, mais elle n’est pas nulle. »
Une réponse calibrée, mais floue. Et c’est tout le problème : les chiffres sont rares et les données opaques. D’après les experts du secteur, l’empreinte environnementale de ChatGPT demeure difficile à estimer. La faute à des modèles qui évoluent très vite et rendent ainsi les prévisions difficiles. De plus, les entreprises du secteur ne sont pas totalement transparentes sur leurs données.
On tente alors d’aller plus loin afin de comprendre quels sont les éléments qui font grimper l’impact environnemental de ChatGPT.
— Qu’est-ce qui pollue exactement quand on t’envoie une requête ?
— « Les serveurs qui m’hébergent fonctionnent dans des centres de données (data centers) qui consomment beaucoup d’électricité. »
En effet, la consommation d’énergie est le premier facteur. Cependant, l’impact énergétique varie selon la source d’électricité utilisée pour alimenter ces centres. En France, où l’électricité est majoritairement décarbonée, l’empreinte environnementale est moindre qu’aux États-Unis, où l’énergie fossile est encore prédominante.
ChatGPT tente de nous rassurer.
— « OpenAI, mon créateur, travaille avec des fournisseurs d’énergie renouvelable pour réduire l’empreinte carbone. »
— Quels fournisseurs d’énergie renouvelable ?
— « L’entreprise ne divulgue pas publiquement la liste complète de ses fournisseurs d’énergie renouvelable. »
Aucune donnée publique ne permet de vérifier ces réponses. Encore du flou, à croire que c’est le business model d’OpenAI.
On poursuit : combien de CO2 pour une seule requête ?
— « Chaque requête génère entre quelques milligrammes et quelques grammes de CO2, en fonction de la complexité de la demande. »
Et à l’échelle des millions de questions posées chaque jour, l’addition grimpe vite. La croissance du secteur de l’IA est tellement effrénée qu’elle met déjà à mal les ambitions climatiques de géants de la tech, comme Google ou Microsoft. Les émissions de CO2 de Microsoft ont bondi de 30 % entre 2020 et 2024, et ce, alors que l’entreprise américaine s’est engagée à atteindre la neutralité carbone dès 2030. Chez Google, ce saut dans les émissions s’est élevé à 48 % entre 2019 et 2023. Dans les deux cas, l’essor de l’IA et sa place grandissante dans les centres de données sont en cause.
Et ce n’est pas fini. Les programmes d’intelligence artificielle sont aussi très gourmands en eau. ChatGPT ne fait pas exception.
— « L’eau est également utilisée pour fabriquer les composants électroniques de mes serveurs. »
En 2023, une étude américaine a estimé que le modèle ChatGPT‑3 consommait 500 millilitres d’eau pour quelques dizaines de requêtes. Selon Shaolei Ren, chercheur à l’Université de Riverside en Californie, une réponse de ChatGPT d’une centaine de mots équivaut « à consommer une bouteille d’eau et à allumer 14 ampoules LED pendant une heure ».
Après avoir pointé du doigt ce qui pollue le plus chez ChatGPT, voyons si l’IA à l’ambition de réduire son impact environnemental.
— « Je m’améliore constamment. OpenAI travaille sur des modèles plus sobres. Et toi aussi, tu peux m’aider en posant des questions plus précises et en évitant les requêtes inutiles. »
Le coup du renvoi de responsabilité… Ce serait donc à nous d’optimiser notre usage. À bon entendeur.
— « Mon empreinte est bien plus faible que celle d’un moteur de recherche comme Google, mais plus élevée qu’une simple requête Wikipédia. »
Une façon élégante de dire « je pollue, mais regardez les autres ». L’IA a pourtant raison. La question de l’impact environnemental de ChatGPT se pose moins que pour d’autres outils numériques. En cause, cette IA est principalement destinée aux particuliers. D’autant plus que les modèles généralistes comme ChatGPT sont peu économes en énergie : ils ont été entraînés avec un nombre incalculable de données, un processus long et polluant.
ChatGPT n’est sans doute pas le pire des pollueurs numériques. Il symbolise cependant une tendance, celle de la part grandissant de l’IA dans notre quotidien. Et si la vraie question n’était pas « Est-ce que ChatGPT pollue ? », mais plutôt : « Pourquoi lui posons-nous autant de questions ? ».