La chevelure, élément clé de l’identité, reflète une part essentielle de la culture et de l’héritage d’une personne. Lorsqu’elles visent des personnes noires, les discriminations capillaires sont donc étroitement liées au racisme. Pour mieux comprendre cette réalité, il est essentiel de revenir sur l’histoire colonialiste et les stéréotypes qui perdurent encore aujourd’hui.
Bien avant la colonisation, en Afrique de l’Ouest, la chevelure revêtait une signification sociale et spirituelle. Plus qu’un simple attribut esthétique, elle indiquait l’âge, le rang social, la religion ou encore le statut matrimonial. Certaines jeunes filles, non mariées, rasaient partiellement leur tête, tandis que les souverains se distinguaient par des coiffes imposantes. La coiffure était un art raffiné, où chaque tresse, chaque volume portait une signification précise.
Quand la colonisation brise une identité
L’histoire du cheveu crépu commence à être entachée avec la colonisation. La traite négrière transatlantique change la donne. Déportés, arrachés à leur terre, les captifs africains sont rasés dès l’embarquement. Un geste brutal, destiné à les dépouiller de leur identité. Dans les plantations, l’entretien des cheveux devient un luxe inaccessible. Comparés à de la « laine », méprisés par les colons, les esclaves dissimulent leurs têtes sous des tissus. Peu à peu, l’idée s’ancre : pour être accepté, il faut lisser, dompter, effacer le crépu. Avec les moyens du bord, certains enduisent leur cuir chevelu de graisse animale et chauffent des couteaux à beurre pour plaquer leurs mèches. Une tentative désespérée d’adhérer aux normes des Blancs, au prix de brûlures importantes sur le crâne.
Entre identité et intégration
Les stéréotypes sur les cheveux crépus ont la vie dure. Des décennies après l’abolition de l’esclavage et la fin de la colonisation, ils continuent d’imposer leurs normes, sous des formes plus insidieuses. Dans le monde du travail, les préjugés persistent : une étude menée par LinkedIn et Dove en 2023 révèle que les femmes afrodescendantes, aux cheveux crépus, sont 2,5 fois plus susceptibles d’être jugés « non professionnelles ». Résultat, 66% d’entre elles modifient leur coiffure avant un entretien d’embauche, et plus de 20% des 25 – 34 ans auraient même été licenciées en raison de leur apparence capillaire. Se lisser les cheveux, porter une perruque, cacher leur coupe afro… Pour éviter les remarques intrusives comme « T’es tombée du lit ce matin ? » C’est ce que Dounia à commencer à entendre lorsqu’elle est arrivée en France métropolitaine, à 17 ans. « Une fois un mec m’a dit, t’es jolie mais c’est dommage que tu ne te coiffes pas » raconte-telle. L’étudiante explique que, selon elle, les raisons de ce rejet aujourd’hui « découlent toujours du racisme, parce que tout ce qui va se rapprocher des caractéristiques noires tend à être effacé. » Elle affirme que ce n’est pas forcément du racisme volontaire de la part des gens, mais « qu’on a tellement intégré une normalité de standard blanc que tout ce qui s’en éloigne est perçu comme atypique, inapproprié. »