À quelques heures du résultat de l’élection présidentielle américaine, qui de Kamala Harris ou de Donald Trump succèdera à Joe Biden ? Celui ou celle qui accédera au Bureau ovale fera prendre un virage historique aux Etats-Unis. Pour comprendre ces enjeux, le site Contrepoint a décidé de partir à la rencontre de personnes concernées par cet épisode politique majeur. Après Paloma Pernice, c’est le moment de découvrir Charles Manderveld, dunkerquois d’origine, travaillant pour le Willard Hôtel de Washington que l’on surnomme « l’hôtel de la Maison Blanche ». Depuis la célèbre Pennsylvania Avenue, qui fait la jonction entre les principaux édifices législatifs, il arrive à vivre son rêve américain et assiste de l’intérieur avec fascination à la désignation d’une nouvelle administration.
Bastien Fanton d’Andon : J’imagine qu’en travaillant proche de la Maison Blanche, cela a permis de vous rendre compte de la grandeur des institutions politiques américaines ?
Charles Manderveld : L’hôtel pour lequel je travaille a accueilli tous les présidents américains, à l’exception de George Washington, et a été le lieu où Martin Luther King a rédigé son célèbre discours « I Have a Dream ». Avec tant d’événements historiques qui s’y sont déroulés et sa proximité immédiate avec la Maison Blanche, un lien unique s’est naturellement créé entre les deux lieux. Depuis mon arrivée ici, j’ai pris conscience de la grandeur des institutions américaines, mais aussi de l’échelle impressionnante de tout ce qui les entoure. J’ai eu la chance de visiter de nombreux monuments, notamment pour voir la Constitution américaine, où les dispositifs de sécurité autour du document sont incroyablement sophistiqués et excessifs. Étant juste à côté du cœur du pouvoir des États-Unis, j’observe quotidiennement le niveau impressionnant de sécurité : les agents secrets, la police en surveillance permanent ou même les caméras de surveillance… C’est très impressionnant.
B. FdA : À l’approche du résultat de l’élection présidentielle, sentez-vous un réel engouement ?
C.M : L’ambiance est vraiment unique. J’ai échangé avec de nombreux collègues américains, et ils disent tous que ces élections sont spéciales, différentes de toutes les précédentes, car l’avenir du monde pourrait réellement se jouer la semaine prochaine. Cela se reflète dans le comportement des clients : ils dépensent moins, sont visiblement préoccupés, et on le ressent dans la fréquentation du restaurant et du bar de l’hôtel. Habituellement, à cette période, nous entrons en haute saison et sommes quasiment complets, mais cette année, la fréquentation est très faible, et les clients consomment bien moins que d’habitude. Chaque jour, on entend parler des élections, et il est clair que le stress et la tension montent. Je remarque aussi que la Maison Blanche et le Capitole commencent à se barricader, par précaution, en raison des précédents événements liés à Trump.
B. FdA : Justement, avec cette actualité, quels sont les ressentis de vos collègues ?
C.M : Nous en parlons presque tous les jours, et je ressens un certain malaise chez les gens. Pourtant, au sein de l’hôtel, les collègues évitent de dire pour qui ils ont voté, afin de ne pas créer de tensions au travail. Cela contraste fortement avec l’extérieur, où les gens n’hésitent pas à afficher haut et fort qu’ils ont voté, et surtout pour quel candidat. Donc, même si on en discute, c’est toujours de façon générale.
B. FdA : On sait que l’atmosphère en période électorale peut-être parfois négatif, surtout à Washington. Avez-vous peur des débordements ?
C.M : Les gens sont vraiment stressés et tendus en ce moment. Le Capitole et la Maison Blanche se barricadent pour protéger les institutions en prévision de possibles débordements, quel que soit le parti. De notre côté, l’hôtel est bien conscient des risques potentiels et se prépare aussi. Nous avons reçu des consignes strictes pour ces jours-là : verrouiller toutes les portes de l’hôtel le soir et n’ouvrir qu’à la demande. De plus, il me semble qu’une équipe spéciale de sécurité a été engagée pour protéger l’hôtel pendant cette période critique.
B. FdA : Quel impact pourrait avoir le résultat de l’élection sur la réputation et le fonctionnement de l’hôtel ?
C.M : Les résultats des élections n’auront pas de réel impact pour nous, car nous sommes un hôtel neutre. Contrairement à certains hôtels aux États-Unis, et particulièrement à Washington, qui sont affiliés à des partis en fonction de leur propriétaire, ce n’est pas le cas du Willard. Nous continuerons donc à recevoir des délégations après les résultats, et la « vie » de l’hôtel devrait rester inchangée. Il est possible que la fréquentation diminue légèrement juste après les résultats, surtout si des débordements se produisent, car certains clients pourraient hésiter à venir si proche du pouvoir, mais ce sera probablement temporaire.
B. FdA : Pour finir, si vous deviez décrire en quelques phrases à vos proches ou aux personnes en France l’évènement international que vous êtes en train de vivre…
C.M : Je pense l’avoir évoqué tout au long des questions précédentes, mais je dirais que c’est une chance unique de vivre une telle élection de l’intérieur. Cela permet de voir à quel point la politique aux États-Unis est prise au sérieux, tout autant qu’en France. Les Américains en parlent énormément et sont très concernés par les résultats. Les clivages entre les citoyens se révèlent particulièrement durant cette période, et on peut parfois deviner les préférences de vote de chacun à travers leur comportement.