A l’heure où la surpopulation carcérale atteint ses limites, Gérald Darmanin veut renvoyer les détenus étrangers (24,5%) dans leur pays d’origine.
« Je vais donner des instructions claires aux parquets ». Le fantôme de Gerald Darmanin à l’Intérieur transparaît encore. Mais l’actuel Garde des Sceaux sait déléguer : il a donné sa pleine confiance en Bruno Retailleau. Les deux travaillent de concert sur un sujet délicat : la surpopulation carcérale. En France, 24,5 % d’étrangers dorment dans des prisons françaises. Parmi eux, 84,5 % sont extra-européens, ce qui représente 16 733 détenus, selon le ministère de l’Intérieur. En France, quelque 82 000 détenus occupent 62 000 places.
Renvoi des détenus étrangers
Va-t-il bouleverser le logiciel carcéral ? Gérald Darmanin a en tout cas confié maintes et maintes fois sa motivation de « faire bouger les choses ». Cela débutera par l’identification des détenus dès leur entrée en prison, un dispositif qui n’existe pas aujourd’hui. Ce même dispositif, en accord avec le pays d’origine, visera ensuite à renvoyer les détenus étrangers. Gérald Darmanin précise que « la difficulté principale n’est pas l’accord du pays d’origine mais l’accord du détenu. Ce que nous devons et que nous allons changer ». Il faut cependant prendre en compte les détenus extra-européens, pour lesquels les conventions doivent être négociées. Par exemple, la Belgique a passé un accord avec le Maroc, permettant de se passer de l’avis du détenu pour le renvoyer. Le Garde des Sceaux dit avoir « engagé la discussion » avec ses homologues étrangers. « Cette question doit se poser de ministre à ministre, sans que le détenu ait son mot à dire », martèle-t-il.
Les cas d’étude se succèdent et se multiplient. C’est le cas du Danemark, qui sous-traite l’emprisonnement à l’étranger. A noter que les Danois ne sont pas soumis aux mêmes règles européennes. Les Pays-Bas et la Suède essaient de calquer ce modèle, tandis que Gérald Darmanin « étudie » la solution, tout en précisant « qu’aucun avis contre-juridique » n’a éclos pour l’instant.
Circulaire inédite
Samedi 22 mars, Gérald Darmanin a fait parvenir une circulaire pour le moins limpide aux procureurs et à l’administration pénitentiaire. Les premières lignes sont évocatrices : le Tourquennois réclame la mise en oeuvre « d’une politique pénale ferme, empreinte de lisibilité et de célérité, contre toutes les atteintes portées à la sécurité de nos concitoyens ». Il y précise également l’arsenal répressif à l’encontre des étrangers, dont les procureurs et les directeurs de prison devront se saisir au plus vite. Dans un premier temps, l’identification systématique des détenus étrangers, dès l’enquête judiciaire, devra avoir lieu. Le suivi régulier du statut de ces personnes, tout au long de leur parcours judiciaire, devra être effectif. Le ministre de la Justice réclame aussi un échange continu d’informations entre les prisons, les préfectures et le Quai d’Orsay, dans le but d’anticiper les demandes de laissez-passer consulaire. La circulaire revient aussi sur l’importance d’arrêter tous les renouvellements de titre de séjour organisés dans la prison ou lors de la permission de sortie.
Des statistiques qui parlent
Elles sont peu reluisantes, ont la capacité de susciter la polémique. Les statistiques de 2024, renseignées par le ministère de l’Intérieur, ont toutefois leur lot d’enseignements. Parmi les mis en cause dans les crimes et délits commis en France, les étrangers sont surreprésentés : 38 % dans les cambriolages, 29 % dans les vols sans violence, 27 % dans les vols violents, 20 % dans les tentatives d’homicide, 13 % dans les violences sexuelles… Le continent européen connaît, peu o prou, la même configuration. En Suisse, 26 % d’étrangers font partie de la population. 44 % d’entre eux sont mis en cause pour des homicides et des tentatives, 47 % pour viols, selon l’office fédéral de la statistique. Parmi la population danoise, on compte 12 % d’étrangers. Les chiffres se répètent : 39 % d’entre eux ont été mis en cause dans des homicides et tentatives, entre 2012 et 2021.