C’était le festival le plus attendu en Israël, qui se tenait dans le désert au sud du pays. Il annonçait le début des festivités du « sukkot ». Pourtant ce n’est pas le son des basses qui a retenti. Plutôt celui des roquettes des terroristes.
Situé dans une zone désertique à moins de cinq kilomètres de la bande de Gaza, le soleil venait à peine de caresser la peau des jeunes danseurs. Arrivé la veille, le festival de musique Supernova offrait un cadre idyllique : deux scènes technos, au bord des falaises de Reïm. C’était la première fois qu’il se tenait en Israël, en l’honneur d’une fête juive.
Sous les toiles de couleurs, bercées par le vent, enivrées du rythme synchronisé de la transe psychédélique, cette jeunesse profitait de la douceur matinale. Sur de nombreuses vidéos, la joie transparaissait les visages.
Pourtant dans ce ciel dégagé, des points noirs d’une vitesse inouïe, sont apparus. Il était 6h30 lorsque les sirènes ont retenti, tandis que les organisateurs du festival demandaient l’évacuation du site. Le site était attaqué.
Le paradis est enfer
La panique s’est installée, le chaos et le désordre prenant le pas sur la raison. Ce rassemblement idyllique s’est transformé, en un fragment de secondes, en un véritable cauchemar. Sous le bruit assourdissant des sirènes, chacun a tenté de rejoindre son véhicule. Des hordes de jeunes, courant dans tous les sens, ont essayé en vain de retrouver leur chemin. Interviewée par la chaîne britannique BBC, Gili Yoskovich témoigne : « Les terroristes arrivaient de partout, alors on ne savait pas où aller ».
Tandis qu’ils essayaient d’échapper à la mort, un son furtif s’est introduit dans cette course effrénée : celui des balles. « Ils allaient d’arbre en arbre et tiraient. Les gens mouraient partout » explique-t-elle à nos confrères. Les plus chanceux arrivèrent à gagner leurs voitures et prirent la fuite.
Des cris, des pleurs, des hurlements, tous, autant qu’ils le pouvaient, ont essayé de se cacher ou du moins de fuir leurs ravisseurs. Des tentes, des poubelles, même des arbres sont devenus des abris.
Deux cent soixante morts furent retrouvés par l’organisation Zaka ‑spécialisée dans les premiers secours et l’identification des corps- le lendemain.
La musique pour cible
C’est une fête qui a tourné au drame. Plus d’un millier de terroristes du groupe Hamas à bord de motos, de camionnettes, de bateaux ou même de parapentes motorisés ont traversé la frontière. Si le festival n’était que l’une des cibles des assaillants, cette attaque nous rappelle ô combien l’univers artistique est toujours pris pour cible. Il est encore plus un symbole, lorsque l’on connaît l’univers musical auquel appartient l’événement Supernova.
Il y a 40 ans, lors de son apparition à Détroit, puis en Europe, notamment en Allemagne et en Angleterre, elle était l’apanage d’une génération toute entière qui souhaitait s’affranchir des règles et du réel qui l’oppressait. L’histoire de la techno est donc étroitement liée avec celle du monde et de la politique. Elle est la prise de position intergénérationnelle de celles et ceux qui se refusent à vivre dans un monde établi. Elle est une idéalisation, une utopie qui souhaite avant tout se concentrer sur l’égalité entre les hommes.
L’attaque du Supernova résonne donc comme un nouveau Bataclan. Une opération où l’on prend par surprise des innocents. La capture de gens qui ne souhaitaient qu’une chose : profiter d’un moment d’oubli, au cœur du désert, dans la nature. Les vidéos publiées tout au long du week-end sont insoutenables. L’effet de surprise est d’une violence inouïe.
Le son des basses qui faisait danser une jeunesse rêveuse et idéaliste à été remplacé par celui des balles, ramenant à l’odieuse réalité de ce qu’est notre monde : un chaos établi.