En 2023, un sujet longtemps ignoré en France gagne en visibilité : les cheveux texturés. Un sujet qui révèle des discriminations liées à l’apparence physique, à l’ethnie et au sexisme. Après avoir recueilli de nombreux témoignages et des statistiques alarmantes, le député Olivier Serva a proposé une loi. Bien que l’Assemblée nationale l’ait votée il y a deux ans, rien n’a encore changé.

Nathalie, 56 ans, n’a jamais réussi à apprécier ses boucles. « Quand j’étais enfant, la mode était aux cheveux lisses, façon Jane Birkin ou Sophie Marceau », se souvient-elle. Difficile, alors, de s’accepter quand les figures médiatiques renvoient une image bien éloignée de la sienne. À la maison, ses parents qualifiaient ses cheveux d’« incoiffables ». À l’école, les moqueries fusaient, les surnoms comme « balai à chiottes » étaient monnaie courante. « J’ai donc toujours voulu avoir les cheveux lisses, pour qu’on me laisse tranquille, et en grandissant c’est devenu une habitude. » Depuis, Nathalie utilise quotidiennement son lisseur, et ce, depuis plus de trente-cinq ans.

Selon le Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN), 20% de la population française ont des cheveux crépus, bouclés ou frisés. Cela équivaut 13 millions de personnes. C’est pour ces personnes là qu’Olivier Serva, député LIOT, a déposé une proposition de loi à l’Assemblé, en 2023. Sarah, 23 ans, étudiante, a connu un parcours similaire à Nathalie. « À l’école, on m’appelait la “touffe touffue”, ça me faisait franchement honte. » Très tôt, elle est influencée par les standards de beauté dominants et aspire à une chevelure plus lisse. « Ma mère m’offrait des lissages au fer chez le coiffeur, mais j’en voulais toujours plus et j’ai découvert le défrisage. Quelle erreur… ». Avec ses cheveux raidis, elle se sent mieux intégrée parmi ses amies au collège. Aujourd’hui, elle privilégie les coiffures protectrices et porte régulièrement des tresses. Pourtant, les remarques sur ses cheveux n’ont jamais complètement cessé. « Il y a eu une période où autour de moi on me disait que j’étais “mieux” avec des tresses qu’avec mes cheveux lâchés. »

Une affaire de santé public
Les produits défrisants contenant de l’hydroxyde de sodium modifient la structure chimique de la kératine contenue dans les cheveux. En fonction de l’utilisation de ses produits, ils peuvent même pénétrer dans le corps et le sang, par le cuir chevelu, et provoquer de nombreux dommages. Une étude des National Institutes of Health (NIH) montre que leur usage fréquent multiplie par 2,5 le risque de cancer de l’utérus. D’autres recherches établissent un lien avec les fibromes utérins. En France, une équipe de l’Hôpital de la Conception à Marseille, a identifié des cas d’insuffisance rénale aiguë associés à l’utilisation de produits de lissage. Ceux-ci contenant de l’acide glyoxylique, couramment utilisée dans les lissages dits brésiliens, peuvent provoquer des lésions rénales sévères.
Ce que dit désormais la loi
La proposition de loi vise à interdire toute discrimination liée à l’apparence capillaire dans l’emploi, l’éducation et l’accès aux services. C’est pourquoi le député LIOT a souhaité rajouter les mots « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux » dans les textes de répression des discriminations du Code Pénal et du Code du travail. À ce jour, la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale le 28 mars 2024, est en attente d’examen par le Sénat. Le processus législatif pouvant varier en durée, en fonction des priorités législatives.