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    L’Amour Ouf… c’était pas si ouf

    Sorti en salles le 16 octobre, le film de Gilles Lelouche « L’Amour Ouf » a attiré plus de 2 millions de curieux. Bien qu’il mette en scène une sul­fu­reuse histoire d’amour, il ne fait que l’effleurer.

    « Une idée vieille de quinze ans ». C’est l’histoire d’un scénario qui tournait en boucle dans la tête de Gilles Lelouche. Quinze ans plus tard donc, le fruit a germé. Il s’appelle « L’Amour Ouf », et manque encore de maturité. Le film dessine une fresque amoureuse des années quatre-​vingts et quatre-​vingt-​dix, teintée par les péri­pé­ties d’un jeune désco­la­risé vivant dans les tours HLM d’un quartier du Nord (où a été inté­gra­le­ment tourné le long métrage) et par celles d’une ado­les­cente vivant avec son père veuf dans une maison familiale. La dicho­to­mie qui allie les deux amoureux transis font de leur histoire un coup de foudre… pas assez puissant pour durer 2h40.

    Casting 5 étoiles pour un film 3 étoiles

    Autant le dire tout de suite, le casting est cinq étoiles. De François Civil à Adèle Exarchopoulos, en passant par la révé­la­tion Mallory Wanecque et Malik Frikah, sans oublier Benoît Poelvoorde, Vincent Lacoste, Alain Chabat, Raphaël Quenard ou Elodie Bouchez, le spec­ta­teur est servi. Hélas l’équation serait trop simple si de jolis noms suf­fi­saient à faire un bon film. Non pas que L’Amour Ouf soit mauvais, mais à vouloir parler de tout, Lelouche n’aborde que super­fi­ciel­le­ment les thèmes abordés. Clotaire, incarné par Malik Frikah, est un jeune de 15 ans sans repères, qui évolue entre larcins et violence. Son regard pénètre celui de Jacqueline – qu’il sur­nom­mera Jackie – jouée par Mallory Wanecque. Dans cette dif­fé­rence qui les unit, la caméra se penche sur les premiers émois d’un couple durant les années 80. Entre-​temps, Clotaire est pris sous l’aile de Benoît Poelvoorde, un mafieux qui mise sur son audace et son coup de poing. Cette première partie du film est la plus aboutie. Elle est sans aucun doute portée par les deux jeunes acteurs, dont la sincérité du jeu trans­pa­raît dans chaque scène. D’ailleurs, la pho­to­gra­phie est un atout majeur du film. Que le jeune couple soit sur une moto le long d’une route de campagne, qu’il longe un chemin de fer abandonné et décoré par les rayons d’un soleil couchant ou face à une éclipse solaire devant laquelle leurs mains se croisent et leurs coeurs s’embrasent, l’esthétisme est très présent. Et puis, Clotaire, épris de violence et d’argent, finit en prison pour un meurtre qu’il n’a pas commis. Le jeune se confronte à la justice : il prend douze ans. Finalement, on a l’im­pres­sion d’avoir été lésé. On se dit que Mallory Wanecque et Malik Frikah auraient pu couvrir l’in­té­gra­lité du film tant François Civil et Adèle Exarchopoulos manquent de saveur. 

    Une histoire à faux rebon­dis­se­ments 

    Le film aurait pu être bien meilleur si seulement la deuxième partie n’avait pas été aussi terne et bancale. Un bond dans le temps est fait : c’est l’acteur François Civil qui est dans la peau de Clotaire, dix ans plus tard. Toujours le crâne rasé, son regard s’est néanmoins adouci. Au fond de lui, il pense vengeance. Mais ce qui l’anime, c’est Jackie, son Amour Ouf. Par le plus grand des hasards, il trouve la maison familiale dans laquelle Alain Chabat peine à refaire sa vie. Il sonne, et apprend que Jackie s’est mariée avec un homme (joué par Vincent Lacoste) dont le seul charme est l’argent et la seule utilité un exutoire. Un cliché sur lequel cette deuxième partie va essen­tiel­le­ment reposer puisque c’est à partir de cet événement que Clotaire va revenir au plan initial : le sang. En fait, François Civil et Adèle ne figurent quasiment pas dans les mêmes scènes, chacun jouant sa propre partition, écrite par la vie… ou par un Lelouche qui aveulit ses deux per­son­nages prin­ci­paux sous prétexte qu’aucun ne puisse jamais vivre l’Amour Ouf. Alors Lelouche fait à la fois du Martin Scorsese (extrême violence des règle­ments de compte entre voyous), du Damien Chazelle (pour la scène de comédie-​musicale) et du John Woo (pour la cho­ré­gra­phie des combats et des fusillades). Gilles Lelouche a été gourmand. S’est-il perdu dans le voeu pieu qu’est celui de réaliser le film que notre enfant intérieur a toujours voulu voir ? Avec « Once Upon a Time in Hollywood », Quentin Tarantino a dressé le portrait d’une Amérique des années soixante et de sa contre-​culture. L’Amour Ouf aurait pu s’appeler « Once Upon a Time… in Nord ». Ça sonne moins bien. 

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