Au moment où Canal+ vient d’annoncer son intention de racheter UGC, acteur majeur du cinéma français, les salles indépendantes se font de plus en plus rares dans la métropole lilloise. Parmi les « survivants », on retrouve le Kino-Ciné et le Méliès.
Quand les gros font affaire, les petits vacillent. La récente annonce de Canal+ visant à racheter UGC, acteur majeur du cinéma français, illustre cette concentration qui fragilise encore davantage les salles indépendantes. Implanté sur le campus Pont-de-Bois de l’Université de Lille, le Kino-Ciné vit sous tension permanente. Pour Patrice, président de l’association, chaque année est une bataille : « Il suffit que le projecteur flanche pour que ça devienne très compliqué financièrement. » Reposant sur des bénévoles, le cinéma a déjà connu deux dépôts de bilan, en 2008 et 2018. Avec près de 5 000 entrées par an, Il tient grâce aux subventions du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, principal soutien de la création audiovisuelle en France, de l’Université de Lille et de la ville — même si cette dernière tend à réduire son aide, et ce, « malgré tout ce qui est fait, que ce soit au niveau de la programmation ou de l’animation du cinéma » regrette Patrice. En dépit des difficultés et de « l’obligation de s’adapter sans cesse », il garde une certaine confiance : « Il y a des périodes où ça va, d’autres où ça va moins bien », reconnaît-il, mais il estime que l’association tient encore son équilibre. Son principal défi : attirer un public plus large que les étudiants, qui représentent 90 % des spectateurs.
Un Méliès plus serein
De son côté, Antoine, responsable du Méliès à Villeneuve d’Ascq, affiche davantage de sérénité. Le cinéma indépendant a quasiment retrouvé ses 55 000 entrées annuelles d’avant-Covid. Mais il reste conscient des fragilités d’un modèle « pas vraiment viable pour les monoécrans ». Sa clé : la fidélisation du public. « Les cinémas qui fonctionnent sont ceux qui sont en lien avec leurs spectateurs » explique-t-il. Également co-président de l’association Lille cinéphile, Antoine ne cache pas son exaspération face à « l’hégémonie des groupes privés » à Lille, renforcée par le rachat du Majestic et du Métropole par UGC en 2019. Plus encore, il dénonce « l’immobilité des institutions », alors que, selon lui, « c’est le boulot de la municipalité de promouvoir la culture du ciné indépendant ».

Quelles solutions pour demain ?
Pour Antoine comme pour Patrice, la mairie doit jouer un rôle plus fort. Nathalie Sedou, membre de Lille Verte et opposante au maire, estime que la politique municipale a « échoué » et appelle à « mieux accompagner les projets de cinéma indépendant ». Selon elle, la concentration actuelle du marché serait « intolérable dans n’importe quel autre secteur, mais pour le cinéma, on laisse faire ». Contactée, la Ville de Lille assure agir pour le retour d’un cinéma indépendant. Elle cite les séances gratuites organisées à la Gare Saint-Sauveur avec Lille Cinéphile et une étude menée avec le CNC, destinées à en faire « un véritable cinéma indépendant associatif » et non pas une simple animation ponctuelle. La municipalité rappelle aussi son soutien à la diversité cinématographique via le lieu associatif L’Univers et plusieurs structures locales comme les Rencontres Audiovisuelles ou Krysalide Diffusion. Le cinéma indépendant devrait donc occuper une place dans les débats des prochaines municipales.