1889. Les lois Ferry de 1881 et 1882 ont rendu l’école gratuite, laïque et obligatoire dans le but de permettre à la IIIe République de faire nation. Au cœur de l’intrigue du film Louise Violet, la petite histoire dans la grande, celle des hussards noirs, figures anonymes envoyées faire classe dans les campagnes françaises les plus reculées.
Louise Violet nous plonge dans les coulisses d’un métier qui de tous temps a suscité la contestation, mais que son réalisateur Eric Besnard dépeint allègrement comme le plus beau du monde. Incarnation fantasmée de l’institutrice, son personnage éponyme, Louise Violet, vante les mérites de l’école dont le pouvoir émancipateur est d’offrir aux enfants la liberté de choisir leur destin : « Fernand sera peut-être explorateur, vétérinaire ou bien ministre : tout est possible. » En apportant le savoir, elle bouleverse les traditions culturelles et économiques dans un but salvateur : amoindrir le rude travail des enfants qui, à cette époque, aidaient, dès le plus jeune âge, au travail des champs et aux tâches domestiques.
Rendre aux enfants les clés de leur destinée
La comédienne Alexandra Lamy revêt à merveille le costume d’époque de cette parisienne déterminée débarquant dans un village de campagne avant la mécanisation et découvrant une population analphabète qui préfère le labeur aux mystérieux bénéfices de l’éducation. Loin de se laisser décourager par les œillades en coin et l’état lamentable de l’étable que le maire lui attribue comme salle de classe, elle s’efforce de gagner la confiance des habitants afin de les convaincre que les valeurs de la république sont sources de progrès pour tous. L’attention particulière portée au passage des saisons, de l’hiver au printemps, illustre cette renaissance par le savoir qui offre aux enfants la possibilité de rêver à un autre avenir que celui de leurs parents.
Véritable cours d’histoire, Louise Violet est une reconstitution fidèle de la France paysanne de la fin du XIXe siècle. Un soin tout particulier est porté aux costumes et aux décors, maisons rustiques construites en pierres. Avec respect et précision, les savoirs faire et les gestes quotidiens des paysans et artisans sont reproduits pour sonner juste.
Aux balbutiements du féminisme contemporain
Louise Violet relate donc l’histoire d’une révolution des habitudes des campagnes françaises qui est d’autant plus renversante qu’elle est menée par un membre du deuxième sexe. Femme forte au passé de communarde, l’institutrice demeure libre penseuse et maîtresse de son corps en résistant, tout au long du film, au destin de ménagère qu’induirait le mariage. En s’imposant, s’émancipant et en traitant semblablement les filles comme les garçons, elle nous touche par la modernité de son féminisme.
Une œuvre qui reste simple et sans surprise mais terriblement d’actualité. À l’heure de la crise de l’éducation nationale et du procès de l’assassinat de Samuel Paty, Louise Violet est une ode à l’école républicaine de Jules Ferry qui n’a jamais été un acquis et n’a cessé d’être un combat en faveur de la liberté et de la laïcité.