Voté par l’Assemblée National début février, provoquer et inciter à l’abandon de soin constitue un délit selon l’article 4 du projet de lutte contre les dérives sectaires. Dans la métropole de Lille, cette décision est une avancée majeures pour le Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (CAFFES). De son côté, Mélodie ayant fait appel à la CAFFES raconte son expérience avec une énergicienne.
Longtemps attendu par les associations de lutte contre les dérives sectaires, l’article 4 punissant la « provocation à l’abandon de soin » a été adopté mercredi dernier. Son but principal est de protéger les victimes des « profession- nels » de santé alternatives qui conseillent parfois l’arrêt des traitements médicaux. Aujourd’hui, inciter un indi- vidu à arrêter ses soins constitue un délit passible d’un an de prison et de 30 000 euros d’amende. À Lille, le Centre National d’Accompagnement Familiale face à l’Emprise Sectaire (CAFFES) y était favorable. « Cela fait plus de 15 ans que ces déviances thérapeutiques prennent de l’ampleur. Au CAFFES, la majorité de nos demandes les concernent » affirme Charline Delporte, présidente de la CAFFES. Un phénomène qui s’est accru pendant la crise du Covid-19 propice aux théories complotistes et interrogations personnelles. « Les dérives thérapeutiques à caractère sectaire sont présentes depuis les années 1990. Cependant, les réseaux sociaux permettent aujourd’hui un prosélytisme constant. C’est un phénomène de plus en plus individualiste qui ne nécessite plus de faire partie d’une grande organisation » continue Charline Delporte.
Un credo : soigner autrement
« Ce sont des commerciaux » s’indigne Charline Delporte. Avec des consultations entre 40 et 100 euros, parfois non déclarées, les pseudos thérapies sont un marché prolifique qui se nourrit du désespoir d’autrui. Le discours est simple : soigner autrement que la médecine traditionnelle. Mélodie, graphiste revenue dans la région lilloise il y a peu, a coupé tout contact avec sa mère. Elle avait une vingtaine d’année quand sa mère l’emmène pour la première fois consulter Marie, une énergicienne d’une cinquantaine d’année « toujours enjouée et très agréable ». « Je vivais une période compliquée. Je suis allée voir Marie sur les conseils de ma mère et je suis sortie dubitative. Elle a posé ses mains sur moi pour ressentir les énergies. Le plus troublant a été qu’elle m’a avoué être en contact avec mon oncle décédé dont j’étais très proche. Cela m’a bouleversé surtout que je ne lui avais pas parlé de mon oncle » explique-t-elle.
Des soigneurs aux multiples dons
En plus d’être medium, Marie assure discuter avec les anges, pratique la lithothérapie, est passeuse d’âme ou encore purifie les logements à la sauge. Si aujourd’hui Mélodie a pris conscience des dérives dont elle était victime, ce n’est pas le cas de sa mère et de son défunt frère, Adrien. Comme de nombreuses victimes d’emprise sectaire, la mère de Mélodie a aujourd’hui coupé les ponts avec la plupart de ses proches. « Je ne communique plus avec ma mère. Si un jour elle veut s’en sortir je serai là. J’ai signalé Marie à la Miviludes* mais jusqu’à présent rien n’a bougé. De plus, elle est introuvable sur internet. Elle trouve tous ses clients via le bouche à oreille, la seule trace que j’ai d’elle c’est un compte Facebook » termine Mélodie.
*Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.