Prix abusifs et dérives commerciales, le marché funéraire français pèse de plus en plus sur les familles. Face à cette « marchandisation de la mort », certains prônent le retour à un modèle public et solidaire.
D’après une étude de Silver Alliance et Simplifia, le coût moyen d’un enterrement en France atteint désormais les 5 000 euros en 2025. Dix ans plus tôt, ce montant ne dépassait pas les 3000 euros. Une hausse continue qui pèse lourdement sur les familles.
« Quand ma femme est décédée en 2022, je n’ai pas eu la force de comparer les différents services », raconte Xavier Homé, 52 ans. « Le devis s’élevait à des milliers d’euros et on a signé sans discuter ou négocier. Je voulais le mieux pour elle », ajoute-il. Depuis la libéralisation du secteur en 1993, les grands groupes privés comme OGF (Pompes funèbres générales) et Funecap contrôlent près des deux tiers du marché. Dans le livre, Les Charognards, publié récemment, les journalistes Brianne Huguerre-Cousin et Matthieu Slisse y décrivent un univers où la logique du profit supplante celle de l’accompagnement : ventes forcées, services imposés, marges opaques. « On est passés d’un service public à un marché dominé par quelques grands groupes », résume Marc, du Collectif pour une Sécurité sociale de la mort. « Les familles, fragilisées par le deuil, ont peu de choix. »
Des alternatives solidaires se développent
Dans un marché de plus en plus tourné vers le profit, des initiatives publiques et coopératives tentent de remettre l’humain au centre du deuil. « Beaucoup de familles ignorent qu’il existe une option publique ou coopérative. Quand on leur explique, elles sont souvent étonnées et soulagées de découvrir qu’il existe une autre façon de faire », confie le membre du Collectif. La Coopérative funéraire de Lille, créée en 2022 par Séverine Masurel, propose une alternative aux grands groupes privés. Inspirée du modèle québécois, cette structure à but non lucratif mise sur la transparence et la modération des coûts : autour de 3 000 euros pour une crémation ou un enterrement, tous services compris. « Nous voulons redonner du sens à un moment beaucoup trop commercialisé », explique la fondatrice. « Ici, les familles savent ce qu’elles paient et peuvent choisir sereinement. »

Vers une « Sécurité sociale de la mort » ?
Face à la hausse des prix des obsèques, une proposition de loi prévoit de les intégrer à la Sécurité sociale, financée par une cotisation de 0,3 % sur les salaires. L’idée est d’éviter que des familles doivent souscrire un crédit pour enterrer leurs proches. Si ce projet reste encore minoritaire au Parlement, il gagne du terrain dans le débat public. Le Collectif pour une Sécurité sociale de la mort estime qu’il permettrait à tous d’avoir droit à des funérailles dignes, sans que l’argent devienne un obstacle. Pour ses défenseurs, il s’agit de considérer les obsèques non comme un service marchand mais comme un droit fondamental. « Les obsèques ne sont pas juste un marché. C’est un dernier geste d’amour et de respect. À nous de faire en sorte qu’il reste accessible à tous », conclut Séverine Masurel. Reste à savoir si cette idée pourra convaincre au-delà des cercles militants. Car si la mort concerne tout le monde, son financement divise encore. Le débat oppose la défense d’un modèle solidaire au maintien de la liberté d’entreprise. Ainsi, certains espèrent que mourir ne devienne pas… un luxe.