Prévue par le gouvernement, la réforme des retraites repousse de deux ans les départs, y compris pour ceux qui exercent un métier pénible. Nous sommes allés à la rencontre de quatre travailleurs pour recueillir leurs réactions.
« Qu’est-ce que je pourrais faire d’autre ? Le minimum retraite que touchent les agriculteurs est tellement faible que je n’ai pas d’autres choix. Je dois continuer à travailler », confie Pierre-Mary, agriculteur dans la région de Maubeuge. Malgré les maux de dos, à 53 ans « cela fait longtemps que je m’étais habitué à l’idée de travailler le plus longtemps possible ».
À 62 ans mon épaule aura lâché depuis longtemps
Odile, ouvrière spécialisée de 55 ans, a été opérée à plusieurs reprises à l’épaule. En cause, des mouvements répétitifs du travail à la chaîne de l’usine de voitures où elle travaille. Malgré cela, elle est en faveur de la réforme des retraites. « Je pense qu’il faut que l’on travaille plus pour pouvoir continuer à financer les pensions. »
Odile peut partir à la retraite à 62 ans, car elle a commencé tôt, mais « je sais qu’à un moment donné je devrais changer de poste. Mon épaule va lâcher. Heureusement, je peux être mutée à un poste moins difficile ». Malgré tout, la pénibilité des horaires décalés reste. Odile est une semaine sur deux du matin, l’autre semaine du soir. Ce rythme particulier est « usant ».
Des horaires matinaux que Chikhl connaît bien. À 60 ans, il se lève « tous les matins à 4 heures » pour ne rentrer chez lui qu’à « 19 heures ». Et ce depuis 40 ans. Il continue à travailler malgré ses « deux côtes déplacées » afin de « gagner assez pour vivre dignement ». La réforme des retraites ? Il est contre. Il ira manifester le 31 janvier. « Ça tombe bien, c’est le jour de mon anniversaire ! »
Une pénibilité émotionnelle
La réforme ne prend pas en compte la pénibilité psycho- logique de certaines professions. Emmanuelle a 43 ans et est opératrice dans un centre d’appels. Elle répond tous les jours aux clients d’assurance mécontents. « Mon métier consiste à m’en prendre plein la face. Je déteste mon métier mais sans diplôme, qu’est-ce que je pourrais trouver d’autre ? Je ne compte pas tra- vailler jusqu’à 64 ans car j’en peux déjà plus. Cette réforme va juste baisser ma future pension, d’autant plus que j’ai connu le chômage. »