Plébiscitée par l’opinion, rejetée par une partie des élites, critiquée par le nouveau Premier ministre… La taxe Zucman enflamme le débat. On vous explique pourquoi.
Instaurer un impôt plancher de 2 % sur les fortunes dépassant 100 millions d’euros : c’est la taxe que propose l’économiste Gabriel Zucman qui divise largement. Selon ce dernier, les ultra-riches paient proportionnellement moins d’impôts que le reste de la population grâce à l’optimisation, l’évasion et des structures opaques. Son objectif est donc de garantir qu’aucune grande fortune ne puisse échapper à une contribution minimale à la solidarité nationale, en instaurant cet impôt plancher. L’idée séduit plusieurs figures de renom : les prix Nobel Esther Duflo et Joseph Stiglitz, ainsi que l’économiste engagé Thomas Piketty, en font un enjeu de justice sociale. Le potentiel budgétaire est conséquent : entre 15 et 25 milliards d’euros par an, selon des estimations contestées, de quoi financer des investissements dans la transition écologique ou renforcer les services publics.

Des critiques économiques virulentes
Les détracteurs ne désarment pas. L’éditorialiste François Lenglet (TF1) rappelle que la taxe rapporterait entre « 5 et 10 milliards d’euros », une somme « dérisoire comparée aux 170 milliards d’euros de déficit public ». Surtout, prévient-il, « il y aurait le risque de départ hors de France des entrepreneurs, et avec eux, d’exil de l’innovation, de l’emploi et de la croissance ». L’exemple norvégien est souvent brandi : une réforme similaire aurait provoqué le départ de centaines de contribuables fortunés.
L’économiste Antoine Levy estime, lui, que l’exil fiscal pourrait réduire d’un tiers les recettes espérées, tout en pesant lourdement sur l’investissement et l’innovation. Le scénario redouté : une fuite de capitaux qui coûterait plus à la France qu’elle ne lui rapporterait.
Les ultra-riches sur la défensive
Les premiers concernés n’ont pas tardé à réagir. Bernard Arnault, patron de LVMH, dénonce une « volonté clairement formulée de mettre à terre l’économie française » et fustige une « attaque idéologique contre la création de richesse ». Au total, quelque 1 800 personnes seraient assujetties à cette taxe. Mais la puissance économique et l’influence médiatique de ce cercle restreint lui donnent un poids considérable dans le débat.
Arthur Mensch, patron de la start-up française d’intelligence artificielle Mistral, illustre bien le cas d’un entrepreneur dont la fortune est liée à la valorisation de son entreprise, sans disposer pour autant de la liquidité nécessaire pour s’acquitter d’une telle taxe. Invité sur France 2, il a assuré qu’il n’aurait « pas la capacité financière » de payer la taxe Zucman, en raison de la nature même des levées de fonds qui « valorisent l’entreprise sans créer de liquidité » pour ses dirigeants. Mistral, champion européen de l’IA, a levé 1,7 milliard d’euros en septembre, portant sa valorisation à 11,7 milliards, mais cet argent est destiné à l’investissement, pas à enrichir ses fondateurs.
Pour autant, Mensch n’a pas rejeté l’idée d’une fiscalité plus juste : « Je suis plutôt convaincu qu’il faut plus de justice fiscale en France », a‑t-il déclaré, appelant à un débat « modéré », capable de concilier équité et compétitivité pour l’entrepreneuriat français.

Une opinion publique largement acquise
Malgré les réserves du nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu qui considère que cette taxe « n’est pas la bonne réponse », l’opinion, elle, semble tranchée. Selon un sondage récent, 74 % des Français se disent favorables à la taxe Zucman. Un chiffre qui révèle, selon certains analystes, un « grand malentendu » sur la réalité de la fiscalité des plus riches, mais aussi une exaspération grandissante face aux inégalités.