À une semaine de la fête des morts, les cimetières continuent de désemplir. Au fil des ans, ces lieux où reposent nos défunts ne connaissent plus de fréquentation régulière. Nous sommes allés le constater dans un cimetière lillois.
Nous marchons, en ce matin d’octobre, dans le cimetière de l’Est, à Lille. En cette fin de mois pluvieux, l’endroit est désert. Enfin presque. L’équipe d’entretien s’active pour les tâches habituelles auxquelles vient s’ajouter la préparation de la commémoration des défunts, le 2 novembre prochain. « Vous voyez plus de fleurs que d’habitude, vous ? » Éric est employé dans ce cimetière de l’est lillois depuis 34 ans. Il est le plus ancien des membres de l’équipe. Sa longue expérience lui permet d’en témoigner : les gens viennent beaucoup moins visiter leurs morts. Il y en a bien qui, de temps en temps, se rendent sur les sépultures pour changer les fleurs, nettoyer les tombes, « leur parler ». Marie en a gardé l’habitude car le culte des défunts fait partie intégrante de sa foi. Mais elle avoue sa tristesse de ne pas croiser plus de monde dans les allées. Car, comme le dit Éric, « à l’année, il n’y a pas foule ». Ceux qui déposent des fleurs le 1er ou 2 novembre ne reviennent visiblement pas les mois qui suivent, puisqu’il est obligé de nettoyer les gerbes qui se décomposent sur les pierres tombales.
« Que peut-on y faire »
« Avant, ces endroits étaient vivants ! » Le gardien se souvient de l’époque où les gens venaient s’y promener. Cette désertion que déplore Marie, elle l’explique par la rupture des liens familiaux et la peur de la mort, aussi. Mort qui « fait pourtant partie intégrante de la vie », note Pierre, 89 ans, presque amusé de ces différences intergénérationnelles. « Que peut-on y faire ? », ajoute l’octogénaire, un sourire triste au coin des lèvres. Il est venu embellir les tombes familiales avec son petit-fils de 17 ans. Les fleurs ? ce sont les femmes qui s’en occupent dans sa famille. Marie aussi préfère les déposer elle-même.
Moins de clients chez les fleuristes
« Une fleur rose et une rouge, s’il vous plait. Comme d’habitude. » À l’image de cette mère endeuillée, ils se font rares aujourd’hui les fidèles des boutiques florales. Fleuriste aux abords du cimetière du Sud, Carine en témoigne : « avant, on considérait un peu le 1er novembre comme notre fête à nous aussi. Aujourd’hui, c’est fini. » Remarquant la diminution des ventes de fleurs depuis le Covid, la vendeuse accuse l’inflation, même si elle reconnait que la tradition de la Toussaint s’est perdue, surtout chez les jeunes.