Le 1er mars, Holodomor, la grande famine ukrainienne débarque au cinéma. Un long-métrage historique revenant sur la disette intentionnellement provoquée par Staline dans les années 1930… Un drame qui demeure un enjeu du conflit russo-ukrainien actuel.
La nourriture est-elle la plus redoutable arme de guerre ? Ce mercredi 1er mars sort en salle le nouveau film du réalisateur allemand George Mendeluk, Holodomor, la grande famine ukrainienne. Il conte la résistance d’un jeune paysan ukrainien, lorsque l’armée de Staline envahit l’Ukraine pour intensifier sa répression en 1932.
Et ce n’est pas la première fois que le 7e art met en lumière ce sombre épisode historique : en 2020, Dans l’ombre de Staline, réalisé par la Polonaise Agnieszka Holland, le sujet était déjà balayé.
L’Holodomor aurait tué plus d’un tiers de la population ukrainienne
De la fiction à la réalité, il n’y a qu’une caméra… Retour à l’Histoire : dès 1929, Staline force les paysans à abandonner leurs terres pour rejoindre les kolkhozes, des exploitations agricoles collectives. Le petit père du peuple n’hésitait pas à déporter les résistants.
En 1932, Staline déclenche une campagne de collectivisation forcée. Les autorités soviétiques réquisitionnent alors blé, légumes, bétail, acculant les paysans à la famine, notamment en Ukraine. L’objectif est simple : confiner de force les habitants sur des terres privées de tout. Selon les historiens ukrainiens et occidentaux, Staline souhaitait réprimer toute volonté nationaliste et indépendantiste de l’Ukraine, alors république soviétique.
Cette stratégie politique a surtout entrainé des millions de morts : d’après l’institut ukrainien de la démographie, cette famine aurait tué plus d’un tiers de la population ukrainienne. Soit entre 5 et 7 millions de personnes, dont un million d’enfants de moins de 10 ans. Dans cette horreur, des cas de cannibalisme ont même été rapportés.
Peu à peu, le monde reconnait un « génocide » contre les Ukrainiens
Cet évènement a longtemps été dissimulé aux yeux du monde… Même si la diaspora ukrainienne tentait d’alerter à l’étranger… En 2006, l’Ukraine, où le quatrième samedi de novembre a été proclamé Journée d’hommage aux victimes de la famine, a reconnu ce drame comme génocide contre son peuple.
Une quinzaine d’autres pays dont les États-Unis, le Canada ou encore l’Allemagne en ont fait autant. Le 15 décembre 2022, c’est au tour du Parlement européen dans un texte voté à la quasi-unanimité. Le Parlement européen, via un communiqué, a même appelé tous les États et toutes les organisations à reconnaitre ce crime contre l’humanité face à « un régime russe qui manipule la mémoire historique pour sa propre survie. »
De son côté, la Russie refuse catégoriquement une telle classification. Depuis des années, elle prétexte que cette grande famine qui a sévi en Union soviétique au début des années 1930 n’a pas seulement fait des victimes ukrainiennes, mais aussi Russes, Kazakhs, ou encore Allemandes… Et qu’elles étaient indépendantes de la volonté stalinienne…
« Les crimes russes actuels en Ukraine rappellent le passé »
« Les crimes russes actuels en Ukraine rappellent le passé », a insisté dans son communiqué le Parlement européen. Outre les combats et les bombardements d’infrastructures énergétiques et militaires, la Russie a dans son viseur le « grenier de l’Europe », surnom donné à l’Ukraine pour la fertilité de ses terres noires…
Champs bombardés, stocks de blé saisis, exportations de céréales paralysées… Depuis l’invasion lancée le 24 février 2022 par Vladimir Poutine et à mesure que le temps passe, les tensions se répètent autour de cette question cruciale de l’alimentation. « Le pire pour Poutine, cela a été de réaliser qu’en choisissant de se tourner vers l’Europe, l’Ukraine a montré qu’il était possible de manger, de vivre bien mieux qu’en Russie. Et cela est une menace pour le pouvoir russe. Et c’est là qu’il a voulu nous détruire », commente Roman Podkur, membre de l’Institut d’Histoire de l’Ukraine.
L’historien ajoute : « Au XVIIe siècle, nous appartenions à un grand état européen avec la Pologne. L’Ukraine a déjà fait partie de l’Europe par le passé. On ne peut pas être des “frères“ quand l’État russe a toujours essayé de détruire la moindre expression de l’identité ukrainienne, de la culture ukrainienne, de notre langue… Le tout en nous affamant. » Aujourd’hui, en Ukraine, passé et présent s’emmêlent. Holodomor et guerre aussi. Pour la plupart des Ukrainiens, même si les années défilent, comme les chars, et les obus, l’objectif russe reste le même : détruire la nation ukrainienne et pousser ses habitants à vivre sous le joug de Moscou.