En France, l’année 2024 s’est terminée avec près de 66 000 défaillances d’entreprises. L’association Aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë (APESA) met en lien les chefs d’entreprises avec des psychologues.
Elle est le trait d’union entre le psychologue et les patrons qui ont dû mettre un point final à leur entreprise. L’association Aide psychologique aux entrepeneurs en souffrance aiguë (APESA) a un rôle : repérer les chefs d’entreprise au bord du gouffre et les soutenir au moyen de séances chez un professionnel de santé. Fondée en 2013, l’association APESA dispose aujourd’hui entre 80 et 90 antennes en France. Dont celle de Lille, ouverte par Patrice Bourgois en 2019, après dix-sept ans passés au tribunal de commerce en tant que juge. À l’heure où 66 000 défaillances d’entreprises ont été recensées en 2024, selon le bilan annuel de BCPE l’Observatoire, la demande n’a jamais été aussi pressante pour APESA. L’année dernière, 100 alertes au sein de la Métropole européenne de Lille ont été remontées, dont 60 ont abouti à une prise en charge chez un psychologue.
Repérer la souffrance
Quoi de mieux que le tribunal de commerce pour connaître la santé d’une entreprise et de celle de son entrepreneur ? Patrice Bourgois, anciennement juge au tribunal de commerce de Lille en chambre de procédure collective, a rapidement détecté les chefs d’entreprise à bout de souffle. « L’association est notamment régie par ce qu’on appelle les sentinelles. Ce sont celles et ceux qui repèrent, bénévolement, les entrepreneurs en souffrance psychologique. Les sentinelles sont souvent « au coeur du réacteur » : juge, greffier, avocat… Sur le territoire de la MEL, 40 sentinelles sont actives », détaille Patrice Bourgois. Après une discussion téléphonique au cours de laquelle la sentinelle juge de l’état psychologique du chef d’entreprise, deux solutions sont sur la table : soit un rendez-vous chez un psychologue est proposé, soit la sentinelle estime que la situation n’est pas encore alarmante. « Les cinq premières séances sont gratuites. Toutefois, l’association doit dépenser 400 euros pour une prise en charge, grâce aux dons. Mais bien sûr, certains chefs d’entreprise refusent le suivi. Certains sont encore trop fragiles, tandis que d’autres n’en voient pas l’intérêt », abonde Patrice Bourgois.
Divorce, dépression, dépôt de bilan
Patrice Bourgois l’appelle la « règle des trois D » : divorce, dépression, dépôt de bilan. Et le problème peut se prendre à l’envers. « Cette règle, ce cercle vicieux, s’applique à la majorité des chefs d’entreprises qu’on rencontre, homme ou femme », explique-t-il. Philippe Lieutenant, chef d’entreprise d’une PME depuis 2019, n’a pas encore eu recours au soutien psychologique, mais reconnaît qu’il peut être utile : « C’est très compliqué depuis la fin du « quoi qu’il en coûte », souffle le quadragénaire. Paradoxalement, on a facilement passé la période de la Covid, les chiffres n’étaient pas mauvais parce que l’État nous a bien aidés avec le PGE (prêts garantis par l’État). Aujourd’hui, il toque à notre porte : on doit rembourser. On croule sous les dettes, soutient Philippe. Avoir des emmerdes avec son entreprise, c’est avoir des emmerdes dans sa vie de tous les jours. Donc, oui, parler peut faire du bien. » Véronique Louwagie, ministre déléguée au Commerce et à l’Artisanat, a déclaré que les « demandes de rééchelonnement » seront examinées à nouveau « pour apporter à chaque entreprise une réponse adaptée ». Pendant ce temps, les alertes se multiplient. « Regardez, je viens d’en recevoir une en vous parlant », confie Patrice Bourgois.