Dans les rues de Calais, trois jeunes bénévoles d’Utopia 56, Jeanne, Romane et Maxime, âgés respectivement de 20, 22 et 23 ans, partagent le même engagement : venir en aide aux personnes exilées. Ce trio d’étudiants volontaires, issu de milieux privilégiés, a fait le choix de consacrer du temps à cette cause complexe, souvent incomprise par leurs proches.
Se plaindre ne suffit pas
Pour Jeanne, Romane et Maxime, s’engager à Calais répond à une exigence personnelle. Conscients de leur origine sociale, ils souhaitent transgresser leurs privilèges pour agir sur le terrain. « Je me plains beaucoup, je dis souvent que je ne suis pas d’accord avec les politiques migratoires. Mais se plaindre ne suffit pas. Venir ici, c’est une façon concrète d’aligner mes actions avec mes convictions », témoigne Jeanne.
Des mots qui résonnent avec ceux de Romane, qui réfléchit profondément à son engagement : « Le bénévolat, je ne le fais pas par automatisme. Je sais dans quel but je viens ici, ça fait sens. Je veux placer mon énergie là où elle peut avoir un impact ». Maxime, lui aussi, confie sa vision lucide, presque fataliste, de cette mission : « La situation ne changera pas parce que je suis là, elle continuera après mon passage. Mais je me concentre sur ce que je peux apporter humainement, ici et maintenant ». L’Auberge des migrants devient ainsi un espace de reconstruction identitaire. Isolés des pressions de leur milieu social habituel, ces étudiants peuvent exprimer pleinement leur combat et trouver des pairs partageant leurs idéaux.
On est tous dans le même bateau
En arrivant à Calais, Jeanne, Romane et Maxime découvrent un monde à part, qu’ils décrivent comme une « microsociété ». Dans cet environnement où se côtoient étudiants et retraités, la solidarité devient un ciment social essentiel. Jeanne souligne combien ce lieu est unique, affirmant qu’elle a « rarement vu autant de solidarité qu’ici, malgré la complexité de la situation ». Cela se manifeste à travers des rituels simples, des instants partagés où le groupe se retrouve pour décompresser. Toutefois, cet engagement mène parfois à un sentiment de déconnexion vis-à-vis de l’entourage. « C’est dur à expliquer si on ne le vit pas », admet Romane. « On est juste plongés dedans », complète Jeanne. Le troisième étudiant, Maxime, s’aligne avec ses camarades : « Tu vis, tu travailles, tu manges, tu dors Utopia. Tu sors boire des coups toujours aux mêmes endroits, avec les mêmes personnes ».
Un engagement humain
Bien qu’étant confrontés aux difficultés du terrain, les bénévoles de Calais reviennent sans cesse, portés par un même élan : la justice sociale. Ils forment une communauté soudée où ils s’élèvent les uns les autres. « Si on était découragés on ne reviendrait pas », précise Jeanne. Romane, également fidèle à ce rendez-vous, n’en est pas à sa première expérience. « J’ai déjà fait un stage ici pendant plusieurs mois », raconte t‑elle. Maxime, quant à lui, voit son engagement renforcé par l’exemple de son entourage : « Le fait de voir mon coloc’ partir à Calais a planté une première graine. En venant ici, je prends la relève de ceux qui étaient là avant moi ».
Par ailleurs, malgré les obstacles et la persistance de la crise migratoire, les bénévoles trouvent du réconfort dans l’humanité de leurs interactions. Pour le jeune homme, ce sont les échanges simples qui rendent l’expérience intense émotionnellement : « Parfois, tu as des interactions avec des exilés où tu ne leur donnes pas grand-chose, mais ils sont quand même reconnaissants. Il y a des moments sympas, où tu rigoles avec eux parce que tu prononces mal un mot en arabe ». Cette humanité partagée, loin de l’image morose que l’on pourrait se faire de la situation, apporte une dose de légèreté nécessaire pour continuer. « Heureusement qu’il y a des instants comme ça », confie-t-il, avant d’ajouter qu’il « n’existe pas que des situations horribles ». Face à une machine qu’ils ne contrôlent pas, ces jeunes apportent ce qu’ils peuvent, sans illusion, mais avec l’espoir de faire une différence – même si minime – pour ceux qu’ils rencontrent.