En 2022, le CHU de Lille tire la sonnette d’alarme sur l’augmentation de la consommation du protoxyde d’azote pour un usage récréatif. En trois ans, le nombre d’intoxications a triplé à Lille. En 2020, le CHU avait traité 11 cas d’intoxications au protoxyde d’azote, puis 44 l’année suivante et 130 en 2022.
C’est quoi le protoxyde d’azote, ce gaz dont on parle tant ? En fait, il s’agit d’un gaz utilisé en pâtisserie pour la chantilly ou en médecine pour anesthésier les patients. Si ce gaz surnommé « proto » ou gaz hilarant est à la mode, c’est parce qu’il est légal et pas cher. Bien qu’il soit considéré comme une drogue, son achat est légal. Mais le protoxyde d’azote dispose d’un important potentiel addictif.
« Le protoxyde d’azote provoque des sensations de plaisir un peu comme lors d’un état d’ébriété. Il peut y avoir aussi une distorsion sensorielle. On peut voir des couleurs qui ne sont pas là. », explique le Dr Scliffet, psychiatre-addictologue. Les effets du protoxyde d’azote sont temporaires et disparaissent rapidement. Ils durent entre quelques dizaines de secondes et une trentaine de minutes. Le protoxyde d’azote génère aussi des fous rires incontrôlables car, une fois inhalé, il prend la place de l’oxygène dans la circulation sanguine. Pendant la consommation, le sang manque donc d’oxygène. Considéré par les consommateurs comme moins dangereux que les autres drogues, ce gaz peut pourtant avoir de graves conséquences sur la santé.
Des conséquences irréversibles ?
L’impact du protoxyde d’azote est encore méconnu. Les professionnels de santé ignorent notamment si les conséquences sur les consommateurs sont irréversibles. Mais à long terme, les consommateurs risquent de développer une carence en vitamine B12. Cette vitamine est essentielle pour les nerfs et les neurones. La carence impacte notamment la moelle épinière. Elle peut engendrer de l’anémie et des troubles neurologiques (fourmillements, engourdissements, difficulté à marcher…).
« On peut développer une carence en vitamine B12 avec une consommation unique. », ajoute le Dr Scliffet. Ce n’est pas tout, la consommation de protoxyde d’azote provoque aussi des troubles moteurs. Ce gaz à l’air inoffensif peut même faire perdre aux consommateurs leur capacité à marcher. Avant de ne plus pouvoir marcher, les utilisateurs réguliers ressentent tout d’abord une désensibilisation progressive de leurs extrémités.
La prévention comme solution
Si dès 2021, la vente de cartouches de protoxyde d’azote a été interdite aux mineurs qui comptent parmi les plus gros consommateurs, juridiquement l’encadrement s’avère laborieux. « C’est un gaz qu’on ne peut pas interdire. On l’utilise à des fins médicales pour l’anesthésie. Il devrait y avoir une loi pour réduire l’achat des majeurs à 10 cartouches. Mais avec internet c’est difficile à surveiller. Beaucoup de jeunes se fournissent via Snapchat. On trouve même des packagings liés à l’usage récréatif. »
Pour lutter contre ce phénomène, les professionnels de santé misent sur la prévention. Leur recommandation principale : plus de communication sur la dangerosité du protoxyde d’azote. Les personnes qui souffrent d’une addiction peuvent d’ailleurs suivre une thérapie ou avoir recours à des services d’aide anonymes et gratuits qui luttent contre les addictions. En dehors du CHU, plusieurs associations proposent leur aide aux consommateurs : Cedragir, Actions Addictions, les CSAPA du CHR de Lille et toutes celles de la métropole lilloise.