Jeudi dernier, Michel Barnier est devenu le nouveau locataire de Matignon. Issu de la droite républicaine, l’homme politique de 73 ans s’est déjà illustré par le passé en faveur de l’environnement. Mais l’austérité de son programme pourrait compromettre le défi de l’urgence climatique.
Michel Barnier, nouvellement élu Premier ministre de la France, revient sur le devant de la scène politique avec un bagage riche, marqué par un parcours éclectique où l’écologie a souvent occupé une place centrale. Cependant, alors que son passé témoigne d’un engagement sincère pour la protection de l’environnement, la question se pose : ce libéral convaincu saura-t-il réconcilier ses idéaux écologiques avec un contexte politique et économique complexe ?
Un parcours aux racines écologiques
Michel Barnier n’est pas étranger aux dossiers environnementaux. Ancien ministre de l’Environnement sous le gouvernement d’Édouard Balladur en 1993, il a laissé une empreinte durable sur la législation écologique en France. En 1995, la loi Barnier qu’il a initiée a posé les bases du droit environnemental moderne en France. Elle a instauré des principes majeurs tels que le « pollueur-payeur », visant à responsabiliser les entreprises face à leurs impacts environnementaux, et la taxe Barnier, qui visait à réguler le transport maritime. À cette époque, Michel Barnier incarnait une réelle volonté de protéger l’environnement tout en introduisant des mécanismes économiques pour en réguler les abus.
Un changement de cap ?
Cependant, l’attitude du nouveau Premier ministre à l’égard de certaines mesures écologiques récentes suscite des interrogations. En septembre 2023, il signait une tribune dans Le Monde critiquant la décision de la Commission européenne d’interdire les voitures thermiques d’ici 2025 et de réduire l’usage des pesticides de moitié. Pour lui, cette accumulation de mesures punitives est contre-productive. Il prône une approche plus incitative, inspirée par la politique de Joe Biden aux États-Unis, qui favorise la production écologique plutôt que de sanctionner les industriels et les consommateurs. Mais ce repositionnement soulève des questions. Malgré son passé de pionnier de la protection environnementale, le locataire de Matignon s’inquiète désormais de l’impact économique de certaines réformes écologiques. En tant que libéral, il considère que la transition écologique doit se construire en collaboration avec les outils financiers et les acteurs de l’industrie, et non pas en les contraignant.
Son expérience en tant que ministre de l’Agriculture sous le gouvernement de François Fillon montre toutefois qu’il n’a pas complètement dévié de ses convictions écologiques. À cette époque, Michel Barnier avait soutenu le plan “Écophyto”, visant à réduire l’utilisation des pesticides, et avait résisté aux pressions de puissants lobbys agricoles, tels que la FNSEA. Même Greenpeace, souvent critique à l’égard des gouvernements, a reconnu récemment dans un communiqué l’intérêt sincère du Premier ministre pour les questions écologiques. Au micro de BFMTV, Marine Tondelier a dénoncé la nomination de Michel Barnier comme un « affront républicain », en référence au front républicain qui avait permis d’empêcher une victoire du Rassemblement national lors des élections législatives anticipées. « Emmanuel Macron peut décider de faire du macronisme en pire, ça ne changera rien au fait que les Français n’en veulent plus. Les Français veulent de la justice sociale », a‑t-elle poursuivi. « Ce n’est pas une cohabitation mais une provocation », a ajouté la cheffe de file des écologistes.
Les promesses vertes d’un homme de droite
Son accession au poste de Premier ministre suscite malgré tout de l’espoir parmi certains écologistes. Sa connaissance des dossiers environnementaux et sa capacité à résister aux lobbys en font un acteur potentiellement clé dans la transition écologique du pays. Cependant, cet espoir reste modéré. La France traverse une période de grande fragmentation politique, rendant difficile l’adoption de réformes audacieuses. De plus, le gouvernement sortant a montré que la question écologique n’était pas toujours prioritaire.
Michel Barnier saura-t-il redonner un nouveau souffle à la politique environnementale ? Si son passé dans ce domaine est plutôt probant, les contraintes politiques et économiques pourraient freiner ses ambitions écologiques. Il devra faire preuve d’habileté pour concilier ses convictions libérales avec la nécessité urgente de lutter contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement.