Dans l’établissement et services d’accompagnement par le travail (ESAT) d’Hallenes-lez-Haubourdin, soixante-quinze travailleurs mettent la main à la pâte : espaces verts, conditionnement de produits, logistique… Pas assez reconnue, la cause du handicap peine à se faire entendre.
8h30 du matin, Laëtitia dit bonjour à ses collègues. L’ambiance est conviviale, le café est chaud et le tablier enfilé. Direction l’atelier de travail numéro 2. Ici, entre les murs de l’ESAT d’Hallenes-lez-Haubourdin, on trouve quatre ateliers dans lesquels sont répartis 56 travailleurs en situation de handicap. Pourvus d’un but médico-social, ces établissements réunissent plus de 170 000 personnes en France. Laëtitia en fait partie, elle est malvoyante. Pourtant, ses mains entourent instinctivement les noeuds rouges autour du cou d’une armée de pères Noël en chocolat. « On commence maintenant, parce que Noël approche, il faut pas se laisser déborder ! », confie Laëtitia, grand sourire. Les pères Noël seront ensuite traités par la logistique, puis livrés à des prestataires, comme des grandes surfaces. « C’est moi qui m’occupe de la livraison », s’enorgueillit Jean-Marie. Il a passé son permis de conduire grâce au « soutien », un module encadré par plusieurs moniteurs. « Ça leur permet de mener à bien des projets, d’avoir une ligne directrice car ils sont parfois un peu éparpillés. Ils ont besoin d’accompagnement, de sûreté », détaille Emilie Mroczkowski, responsable de site de production à Hallenes.
« Une majorité de personnes ne sait pas ce qu’il se passe ici »
A l’annonce du reportage, Céline Camerlyncke, directrice des ESAT d’Hallenes et de Wambrechies, confie son vif enthousiasme : « Figurez-vous qu’on ne s’intéresse pas vraiment aux ESAT. On a quelques demandes de presse, mais le handicap est loin d’être une priorité. » L’absence d’un ministère dédié aux personnes handicapées dans le nouveau gouvernement a provoqué de nombreuses réactions. « Entre-temps, les Paralympiques sont passés par là, il y a eu aussi le film ”Un p’tit truc en plus“ qui a changé pas mal de mentalités », reconnaît la directrice. Selon le Ministère de la Santé et de la Prévention, la population handicapée représente 12 millions de personnes en France. En septembre dernier, c’est finalement la nordiste Charlotte-Parmentier Lecocq qui a été promue ministre déléguée au Handicap, faisant de l’insertion professionnelle une motivation majeure. Emilie Mroczkowski déplore le manque de visibilité des ESAT « dont le travail n’est pas assez valorisé ». « Une majorité de personnes ne sait pas ce qu’il se passe ici. Même si je ne peux pas dire que c’est facile tous les jours, ils travaillent bien et sont très consciencieux. »
Aucun d’eux n’est salarié, mais ont statut hybride, critiqué par l’Association France handicap. La rémunération de ces travailleurs atteint en moyenne 60 % du SMIC. « On est handicapés, oui, mais on sait faire aussi ! «, s’empressèrent de souligner Martin. Gants de jardinage usés par plusieurs années de coupe-bordures et de tonte, son domaine de prédilection, ce sont les espaces verts. « J’ai presque toujours connu l’ESAT, résume-t-il. J’aime travailler dehors, ça permet plus de liberté que les ateliers. » Parlant de liberté, Martin aimerait quitter l’ESAT. « Mais pour aller où et faire quoi ? J’ai besoin d’argent, je ne suis pas sûr qu’on me prenne à l’extérieur. Les gens ont encore peur du handicap. » Après une pause improvisée sous un saule pleureur, « l’équipe des espaces verts » reprend du service sous une fine pluie. « On est une bonne équipe, il y a une bonne ambiance. Franchement, on n’a pas à se plaindre », conclut Eric, le moniteur.