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    Pénuries de médi­ca­ments : le métier de phar­ma­cien en tension ?

    La crise sanitaire liée au Covid a mis en évidence la fragilité de notre industrie phar­ma­ceu­tique : pénuries de masques, de médi­ca­ments, mul­ti­pli­ca­tion de mou­ve­ments de grève… Alors que le métier de phar­ma­cien glisse vers le statut de métier en tension, notamment à cause des salaires et des décisions prises par les grands labo­ra­toires phar­ma­ceu­tiques, notre modèle de santé est peu à peu remis en question.

    « Si les pénuries de médi­ca­ments frap­paient le pays déjà quelques années avant la pandémie, celle-​ci a eu à la fois un effet révé­la­teur et ampli­fi­ca­teur » nous explique un repré­sen­tant de l’Ordre National des Pharmaciens. Information recoupée par Thibaut Desquemack et Nick Johnson du labo­ra­toire Accord Healthcare France (fabricant d’antibiotiques et de médi­ca­ments d’oncologie) : « les médi­ca­ments touchés par les pénuries varient, mais les défauts de stocks sont devenus chro­niques. La consom­ma­tion des Français en médi­ca­ments a augmenté pendant que l’offre a diminué ». Voici les trois prin­ci­paux médi­ca­ments touchés par ces pénuries : de nombreux anti­bio­tiques (notamment l’amoxicilline) par manque de matières premières pour leur pré­pa­ra­tion ; l’Ozempic pour traiter les diabètes de type 2 qui a été détourné vers un autre usage, plus lucratif, à savoir les aides à la perte de poids. Et enfin, le générique Doliprane, dont Sanofi, premier indus­triel phar­ma­ceu­tique français en recherche et déve­lop­pe­ment, revend sa filière « santé grand public » au groupe CD&R, pour se concen­trer sur sa recherche en cancérologie.

    La rareté de certaines molécules a des effets secon­daires immédiats

    Dans Lille intra-​muros, on compte plus de 70 phar­ma­cies, soit une pour 2500 habitants. La hausse de la demande face à une offre raréfiée laisse néces­sai­re­ment des perdants. C’est le cas des plus petites phar­ma­cies, comme la Pharmacie Cormontaigne, qui partent désa­van­ta­gées face à de plus grandes commandes. Au contraire, la Grande Pharmacie de Lille commande des stocks impor­tants, à des tarifs avan­ta­geux. « Ce n’est pas de phar­ma­cies dont on manque, c’est de médecins » ironise Véronique, patronne de la Pharmacie Cormontaigne. La déser­ti­fi­ca­tion médicale empire la situation, puisque moins de médecins, c’est moins d’ordonnances, et donc moins de ventes en pharmacie.

    Les blouses blanches restent au placard

    « Il y a un problème de renou­vel­le­ment dans le métier. Il perd en attrac­ti­vité auprès des nouvelles géné­ra­tions. Nous avons beaucoup de mal à recruter » nous explique-​t-​on à la Pharmacie de la Madeleine. « Certains d’entre nous sont de plus en plus concernés par les questions de salaire, le travail le samedi, le télé­tra­vail. Moi j’aime mon métier, je n’avais pas pensé à toutes ces questions-​là avant de me lancer, il y a quinze ans. Mais j’ai participé aux grèves générales des phar­ma­ciens du 30 mai ». C’est un sentiment partagé par beaucoup de phar­ma­ciens et de pré­pa­ra­teurs que nous avons pu inter­ro­ger. Le principal problème décrié est le fait de passer la majeure partie du temps de travail dans la logis­tique, l’administratif et le démar­chage auprès des labos pour combler les pénuries, au lieu d’être auprès de leurs patients.

    Un corps de métier qui manifeste peu, mais qui s’est mobilisé
    Jeudi 30 mai, 90 à 100% des phar­ma­cies en France, y compris à Lille, étaient en grève. Les syndicats de phar­ma­ciens tels que l’USPO et la FSPF avaient appelé à se mobiliser. Historique, cette grève est la deuxième dans l’his­toire de la pro­fes­sion en France. Face à l’in­fla­tion et la menace qui pèsent sur le métier, des hausses de salaire ont été réclamées. Aboutissement des négo­cia­tions jusqu’à aujourd’­hui : une hausse des salaires de 1,2%. Une pro­po­si­tion rejetée par les syndicats, jugée insuffisante.

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