En sortie d’école, les jeunes diplômés peinent à trouver leur place sur un marché du travail saturé. Derrière les beaux discours des écoles, la réalité est plus brutale : stages à la chaîne, emplois précaires et réseau déterminant. Témoignages.
Diplômée d’un master en Influence et E‑Réputation, Margaux fait partie de ces jeunes professionnels aguerris par l’alternance, mais toujours à la recherche d’un poste stable. Après deux années passées dans une entreprise de technique événementielle, la Toulousaine cherche aujourd’hui à percer dans un secteur de niche : l’événementiel sportif. « J’ai choisi ce master parce que je voulais me spécialiser dans ce domaine, même si le nom ne l’indiquait pas directement », explique-t-elle, avant d’ajouter que « les cours abordaient les partenariats, le sponsoring, les relations presse ou l’influence ». Si son cursus universitaire lui a permis d’acquérir une solide base en communication 360, elle reconnaît que le terrain reste le meilleur des formateurs. « L’alternance m’a beaucoup plus appris que les cours. J’avais de vraies responsabilités et de l’autonomie ». Pourtant, à ce jour, un seul entretien décroché, sans retour.

L’expérience prime sur le diplôme
« Je recherche activement un emploi depuis 4 – 5 mois », déclare la jeune femme. Chaque jour, Margaux envoie des dizaines de candidatures dans son domaine, avec une préférence affichée pour Toulouse. Un choix personnel assumé mais contraignant. « La plupart des opportunités sont à Paris, mais je veux rester ici », admet-elle. La jeune diplômée reste néanmoins ouverte à des missions plus courtes, en dehors de son secteur de prédilection. Un compromis nécessaire puisqu’à cette difficulté géographique s’ajoute une tension sectorielle. « L’événementiel, c’est bouché. Il faut vraiment se démarquer ». Bien qu’elle ait obtenu un diplôme reconnu par l’État, elle sent que ce n’est pas l’élément décisif pour convaincre. « Mon diplôme est valable, mais dans ce secteur, c’est surtout l’expérience qui prime », remarque t‑elle. Un constat partagé par François Vaillié, directeur de l’association Habitat Jeunes de la Région Nazairienne. Comme Margaux, il pense que l’arrivée sur le marché du travail ne dépend pas uniquement du diplôme. Ce qu’attendent les entreprises c’est que « les jeunes diplômés apportent un regard neuf sur la structure. Les stages comptent pour beaucoup, c’est déjà un début d’expérience », explique t‑il.
Fracture générationnelle
Le directeur pointe toutefois un autre type de décalage, non pas entre l’offre et la demande, mais dans les attitudes et les façons d’être en entreprise. « Beaucoup de jeunes ne préviennent pas quand ils trouvent mieux ailleurs, quittent un poste sans préavis ou prennent des congés sans avertir », ce qui rend les recruteurs frileux. « Il y a un vrai besoin de repenser la fidélité à l’entreprise », précise t‑il. Le décalage ressenti par les jeunes tiendrait moins à un marché défaillant qu’à une fracture entre les attentes des uns et les pratiques des autres. Ainsi, les employeurs doivent s’adapter aux jeunes, mais l’inverse est vrai aussi. « Il faut retrouver des modes de fonctionnement communs », conseille le professionnel. Par ailleurs, même dans un secteur en tension comme l’économie sociale et solidaire (ESS), où la demande reste forte, François Vaillié observe des difficultés de recrutement.
Formation de prestige, débouchés précaires
Celui qui peut faire toute la différence dans la quête d’un emploi, c’est le réseau. « Il est déterminant, autant pour les jeunes qui cherchent un premier job que pour les recruteurs qui activent leurs contacts pour dénicher des profils », explique l’employeur à Contrepoint. Mais tout le monde ne dispose pas du même carnet d’adresses à la sortie des études. Léna, diplômée dans le secteur de la mode, en a fait l’amère expérience. « J’ai ressenti une grosse différence entre le discours donné par mon école et celui de la réalité du fonctionnement de l’industrie », relate-t-elle. Les établissements privés promettent des partenariats solides avec les grandes maisons, mais dans les faits, « ils ne casent que très peu d’élèves en création ». En attendant une opportunité stable, Léna enchaîne les stages depuis septembre 2024. Un choix contraint. « C’est un peu déprimant de vivre et de connaître cette situation incertaine. Ça ne m’aide pas à envisager sereinement la suite », s’inquiète t‑elle. La jeune femme parle d’une remise en question constante, alimentée par une forme d’isolement. « Je me sens complètement seule face au système : aucune aide de France Travail, aucun tremplin pour les jeunes en sortie d’études ». Son témoignage dépeint une triste réalité, celle d’un accès à l’emploi limité, où les bonnes formations ne suffisent plus sans réseau et expériences solides.