La chute du gouvernement Bayrou a ouvert la voie à une nouvelle séquence politique. À peine nommé, Sébastien Lecornu doit composer avec des contestations sociales massives et un paysage parlementaire incertain.
Un Premier ministre déjà mis à l’épreuve
La chute de François Bayrou, renversé le 8 septembre après un vote de confiance perdu à l’Assemblée, a marqué un véritable tournant politique. Pour la première fois sous la V République, un Premier ministre a été contraint de quitter Matignon après un tel scrutin. C’est dans ce climat de fracture et de méfiance qu’Emmanuel Macron a nommé Sébastien Lecornu. Mais à peine installé, le nouveau chef du gouvernement se retrouve face à un pays en tension.
Jeudi 18 septembre, entre 500 000 et plus d’un million de personnes ont manifesté partout en France. Enseignants, cheminots, fonctionnaires, étudiants, de nombreux secteurs se sont mobilisés. Le ministère de l’Éducation nationale a recensé 17% de grévistes.
Dans la rue, un mot d’ordre s’est imposé. « Taxez les riches ». Ce slogan résume une colère et une fatigue sociale face aux annonces de coupes budgétaires et à la crainte de nouvelles réformes toujours plus injustes et toujours pour les mêmes.
Au milieu du cortège lillois, près de Grand-place, Claire, 42 ans, infirmière au CHU de Lille, dit ne pas attendre grand-chose du nouveau chef du gouvernement : « Lecornu ou un autre, si c’est pour nous expliquer qu’il faut se serrer la ceinture pendant que les grandes fortunes passent entre les mailles du filet, ça ne changera rien. Je passe des jours et des nuits à l’hôpital et je ne me plains pas parce que j’aime mon métier mais mon salaire n’est pas suffisant pour subvenir aux besoins de ma famille. Il faut que ça change.»
À quelques mètres, d’autres manifestants sont eux aussi sceptiques et s’indignent. Parmi eux, Marc, 65 ans, retraité de la SNCF : « On nous fait croire qu’il va nous écouter et que les promesses seront tenues avec une belle cérémonie de passation et de beaux discours mais au final rien n’est fait, Borne, Attal, Bayrou, Lecornu et j’en passe, tous sont pareils et tous n’ont rien fait !»
Lecornu, le Premier ministre de la discrétion
À 39 ans, l’ancien ministre des Armées se veut différent. Pas d’annonces rapides ni de discours de politique générale. Au contraire, patient et observateur, il rencontre les forces syndicales, patronales et politiques afin de dialoguer et écouter les revendications de chacun.
Ses proches parlent d’un homme « qui veut prendre le temps de faire différent ». Ses premiers signaux concernant la voie qu’il compte suivre sont davantage symboliques que budgétaires : fin des avantages à vie des anciens ministres et Premiers ministres, l’abandon de la suppression des deux jours fériés ou encore réorganisation de l’État. Aucune décision structurante et concrète n’a encore été prise même sur son nouveau gouvernement, qu’il compte nommé avant le début des travaux parlementaires, le 1er octobre.
Cette attente inquiète. Les socialistes exigent des gestes rapides sur la justice fiscale, la droite pousse à la rigueur et les syndicats testent déjà sa capacité à entendre les citoyens. Autant d’interrogations que d’espoirs sur sa capacité à agir vite.
Pour Lecornu, l’équation est compliquée. Réduire le déficit autour de 35 milliards d’euros, mettre en place des mesures qui permettraient d’alléger une population qui en a marre et composer avec une Assemblée fragmentée. Entre justice fiscale réclamée par les manifestants et discipline budgétaire exigée par les parlementaires, le nouveau Premier ministre ne marche que sur un fil.
Après la chute de Bayrou, l’échec ne sera plus toléré. Les attentes qui pèsent sur Sébastien Lecornu sont loin d’être simplement théoriques. Aucun arbitrage ne pourra se faire sans compromis avec les parlementaires et les citoyens.