Ils avaient 12, 15 ou 18 ans en 2017. Aujourd’hui, ils sont étudiants, apprentis ou jeunes actifs, et n’ont connu qu’Emmanuel Macron à l’Élysée. Entre crises, réformes et espoirs contrariés, ils racontent comment ces années ont marqué leur vision de l’avenir.
Un mercredi après-midi, la Grand-Place de Lille grouille de passants. Les terrasses se remplissent malgré un ciel gris, les vélos zigzaguent entre les promeneurs. Sur les marches de l’Opéra, un groupe d’étudiants partage un paquet de chips, sacs de cours encore en bandoulière. Quand on évoque Macron, les sourires se crispent aussitôt.
« Pour moi, il restera le président de Parcoursup », lâche Tom, 19 ans, étudiant en STAPS. Ses amis acquiescent. « On a découvert l’angoisse des algorithmes avant même de passer notre bac », ajoute Clara, sa camarade de promo. « À 17 ans, on apprenait déjà à stresser pour notre avenir. » Pour eux, ils n’ont pas grandi avec, mais « sous » Macron.
Des années confisquées par les crises
Si cette génération devait retenir une image, ce serait sans doute celle de leurs visages éclairés par l’écran d’un ordinateur, confinés dans leurs petites chambres étudiantes. Louise, 23 ans, se souvient de sa première année de fac comme d’un interminable huis clos : « J’ai suivi mes cours de psycho sur Zoom, seule dans 20 m². On nous parlait d’une jeunesse résiliente, mais on avait juste l’impression d’être oubliés. »
À ses côtés, son copain Maxime, apprenti électrotechnicien à Tourcoing, hoche la tête : « On devait construire nos vies, on nous a volé notre jeunesse. Ça m’a cassé le moral pendant des mois. »
Tout juste sortie de son travail à la préfecture du Nord, Manon, 24 ans, tempère un peu : « Ce n’est pas une crise qui dépendait du Président. » Si elle reconnaît que cette période a laissé des traces profondes, selon elle, Emmanuel Macron a « fait au mieux pour aider les gens. »
Des coups de pouce, mais pas de miracle
Dans le hall d’Euralille, Sarah, 20 ans, s’extrait des magasins, les bras chargés de sacs. Elle sourit quand on lui parle du Pass Culture : « Je suis allée pour la première fois au théâtre. J’avoue que j’y serais jamais allée sans. »
« On a grandi sous Macron »
Ces initiatives comptent, mais elles ne suffisent pas à compenser la dureté du quotidien. Iman, 25 ans, communicante en freelance, ne cache pas sa colère : « On est dans un pays qui nous force à rester pauvres. Quand tu crées ta boîte, on veut te taxer au maximum. Les démarches sont interminables, et c’est toujours les classes moyennes qui trinquent. » Elle s’interrompt, soupire, puis reprend : « Tout est décourageant. Même quand tu veux t’en sortir, tu as l’impression qu’on t’empêche de te développer. »
Une politisation par la rue
Le printemps 2023 a marqué un tournant. Si pour Manon, Macron restera celui qui « a déterré le cadavre qu’est la question des retraites que ses prédécesseurs préféraient renier », des milliers de jeunes Lillois ont contesté la réforme dans la rue. « J’ai découvert l’ambiance des manifs, les slogans, la solidarité », raconte Hugo, 23 ans, croisé rue Solférino. « On avait le sentiment de participer à quelque chose de plus grand. »
Sur les réseaux sociaux, cette défiance s’est traduite autrement. L’expression « dans la France de Macron » est devenue un gimmick ironique pour commenter la galère quotidienne : l’inflation, les jobs mal payés, les logements introuvables.
Une génération en réaction
Qu’ils soient étudiants, apprentis ou déjà au travail, tous partagent ce sentiment d’avoir grandi dans un monde d’incertitudes, sous un président qui se voulait « jeune et moderne », mais qui a souvent semblé lointain.
« On est la génération qui a appris à contester », résume Clara, en rangeant ses affaires. « On n’attend plus qu’un président vienne nous sauver. On a compris qu’il fallait se débrouiller, et parfois, descendre dans la rue. »
L’après-Macron, pour eux, ne sera pas seulement un changement de nom à l’Élysée. Ce sera, peut-être, la possibilité de réinventer leur propre rapport au pouvoir.