Le dessinateur de presse Plantu était de passage à l’Université Catholique de Lille pour la deuxième édition du festival Ecoposs. Entre deux masterclass, il a pris le temps de rencontrer une poignée d’étudiants investis dans une exposition consacrée à ses dessins. Un moment intime, rythmé par des échanges passionnants.
Un vendredi en fin d’après-midi, au deuxième étage de l’Université Catholique de Lille, Plantu est là. Fidèle à lui-même. Les mouvements amples, l’écharpe bleue nouée autour du cou et le regard malicieux. Face à une assemblée étudiante captivée, il parle pendant plus d’une heure et demie, sans notes et sans lassitude. De temps à autre, il sort deux crayons de sa poche, geste de métier oblige, les fait virevolter pour appuyer son propos. Quelques heures plus tôt, il animait une masterclass dans un amphithéâtre Teilhard de Chardin plein à craquer. Et le voilà, encore souriant, prenant le temps d’échanger, d’écouter, de répondre. La fatigue ne semble pas l’atteindre. Aucun doute, ce qui le fait tenir c’est la passion.
Le dessinateur déroule sa vie comme on tourne les pages d’un carnet (plus trop intime). Il parle des rencontres qui ont marqué son parcours, ces moments inattendus où un dessin devient un message de paix. À travers ses voyages, il a souvent cherché à rapprocher plutôt qu’à diviser, convaincu que l’humour et le trait peuvent franchir des frontières que les mots n’osent plus traverser.
Plantu revient sur ses débuts, les années au Monde, les débats, la liberté parfois chèrement défendue. Il décrit la rédaction du quotidien comme « une famille avec ses engueulades », un espace vivant, propice aux idées. Pour lui, un dessin n’est jamais un simple commentaire. C’est un espace de respiration, une invitation à réfléchir. « Il n’y a pas de petits dessins », lance-t-il, reprenant la phrase d’un chirurgien rencontré un jour : « Il n’y a pas de petits gestes. »

Engagé mais jamais partisan, Plantu revendique une provocation réfléchie. Il assume les polémiques, les critiques, parfois les menaces, mais refuse la posture de victime. « Le dessin de presse, c’est le dernier endroit où l’on peut encore rire de tout », dit-il. Lui qui préfère la nuance à l’outrance, le symbole à la gifle. Sa ligne claire, poétique, trouve souvent la voie du contournement. Dire sans blesser, provoquer sans humilier.
Il évoque également ses souvenirs de guerre, notamment en Bosnie, où il a appris à dénoncer sans pointer du doigt. Une fois de plus, l’image lui a permis de contourner les interdits et d’exprimer l’indicible, car, après tout, « comprendre le passé, c’est comprendre le présent. »
Devant les étudiants, Plantu met en exergue l’éducation, la liberté d’expression et le courage intellectuel, rappelant le rôle fondamental de chacun dans la transmission du savoir. Il insiste sur l’importance de connaître l’histoire et de la transmettre avec rigueur, sans céder à la peur. Son message est limpide. Comprendre avant de juger, questionner plutôt que condamner, réfléchir avant d’agir.
Plantu ne croit pas à la retraite. Après cinquante ans au Monde, il a repris le dessin dès le lendemain, à son propre rythme. « Si on me coupe les bras, je continuerai à dessiner », glisse-t-il avec un sourire. Dans la salle, l’atmosphère mêle admiration et fascination. Le célèbre dessinateur de presse conclut avec bienveillance : « Continuez à poser des questions, à réfléchir et à dessiner. »