Souvent prescrite sans discussion approfondie, la contraception hormonale peut avoir des effets méconnus sur la santé mentale des femmes. Irritabilité, anxiété, dépression : ces symptômes, encore trop peu pris en compte, s’ajoutent à une charge mentale déjà lourde. Témoignages et éclairages médicaux sur une réalité silencieuse.
En France, 90% des femmes entre 18 et 49 ans, non ménopausées, utilisent un moyen de contraception. Parmi elles, beaucoup optent pour des contraceptifs hormonaux (pilule, implant, anneau, etc.), dont les effets secondaires physiques sont bien connus. Pourtant, une étude de la Rice University révèle que ces contraceptifs peuvent également influencer l’humeur, favoriser l’anxiété ou la dépression.
Un risque psychologique accru
Mais ces conséquences sur la santé mentale sont encore trop peu prises en compte, alors même que la pilule contraceptive augmente de 71% le risque de tomber en dépression au cours des deux premières années de son utilisation. Le Dr Jendrzejewski, médecin généraliste et sage-femme à Beauvais, confirme : « La contraception hormonale peut altérer l’humeur, l’anxiété, l’irritabilité. Une étude d’Harvard montre que 2,2 % des femmes sous contraception développent une dépression, contre 1,7 % sans contraception. » Anaïs, 22 ans, témoigne : « Soit je suis tout le temps en colère, soit je pleure à la moindre contrariété. » Des effets psychiques liés à sa contraception, pourtant jamais évoqués par son médecin : « Je n’ai pas été informée des effets sur ma santé mentale, seulement des effets physiques. » Une absence d’informations que le Dr Jendrzejewski déplore : « La démographie sanitaire pousse les médecins à accélérer la cadence. On a donc moins le temps d’aborder les sujets d’ordre psychologique. »

Le poids des hormones et des normes
Les troubles anxieux, la dépression et les troubles du comportement alimentaire sont plus fréquents chez les femmes. Grace Dupire, psychologue, explique : « La manière dont les femmes sont socialisées à intérioriser la souffrance, à prendre soin des autres avant elles-mêmes les rend plus vulnérables. » Cette pression sociale s’ajoute à une charge mentale déjà lourde, notamment liée à la maternité, à la vie familiale et à la gestion de la contraception. « Les variations hormonales influencent l’humeur, mais ce sont les facteurs sociaux et culturels qui pèsent le plus lourd. », conclut Grace Dupire. Pour prévenir les effets délétères, la parole et l’écoute sont essentielles. Grace Dupire recommande : « Parler de sa charge mentale, consulter dès les premiers signes de mal être, et s’autoriser du temps pour soi sans culpabilité. » Reconnaître l’impact psychologique de la contraception, c’est enfin considérer la santé des femmes dans sa globalité : physique, émotionnelle et sociale.
La charge mentale contraceptive, un poids genré
La contraception est majoritairement gérée par les femmes, bien que des méthodes masculines existent, comme le préservatif – largement utilisé – et la vasectomie, peu répandue car définitive. La contraception hormonale masculine, étudiée depuis les années 1970, n’a pas encore été commercialisée en raison de ses effets secondaires. « La médecine s’y intéresse, surtout dans les pays anglo-saxons, mais la France reste en retard », note le Dr Jendrzejewski, ajoutant : « Ce futur-là pourrait être partagé plus équitablement entre l’homme et la femme. »