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    Celles qui ne veulent pas… Refuser la maternité dans une société qui ne le comprend pas

    Dans un monde où la maternité demeure un passage « obligé », certaines femmes reven­diquent le droit de ne pas enfanter. Entre pressions fami­liales, héritages religieux et injonc­tions cultu­relles, leur refus s’impose comme un acte à la fois intime, courageux et pro­fon­dé­ment moderne.

    « Alors, c’est pour quand ? » À chaque repas de famille, la question revient comme un refrain dont Mélissa connaît déjà la mélodie. Autour de la table, les rires des enfants se mêlent aux sanglots des plus petits. Les deux fils de sa cousine courent entre les chaises, tandis que sa sœur, à peine plus jeune qu’elle, caresse dis­trai­te­ment son ventre rond. Mélissa sourit poliment, remet une mèche de ses cheveux bouclés derrière son oreille et lâche sa réplique habi­tuelle : « Pas main­te­nant, on verra plus tard. »

    La vérité, c’est que « plus tard » n’existera sans doute jamais. « Pour eux, c’est une évidence : un jour, je devien­drai mère, c’est le cours naturel des choses », confie-​t-​elle. À 25 ans, Mélissa n’a pas peur du temps, ni de cette fameuse « horloge bio­lo­gique » qu’on lui agite sous le nez malgré son jeune âge. Danseuse, cette habitante de Croix, commune du Nord, rêve d’auditions, de tournées, de voyages. D’une vie qui se construit ailleurs qu’entre les landaus, les nuits hachées et les couches à changer. Elle n’ose pas le dire. Pas à sa mère, pas à sa sœur, pas même à ses amies. « Leur dire non serait un scandale. Alors, je préfère repousser le moment. »

    Une tendance qui s’affirme

    Son cas n’a rien d’isolé. Partout, en France comme ailleurs, de plus en plus de jeunes femmes affirment ne pas vouloir d’enfants. Leur décision, souvent perçue comme une pro­vo­ca­tion ou une lubie, met surtout en lumière le poids per­sis­tant d’un ima­gi­naire patriar­cal : celui qui continue d’associer féminité et maternité, comme si l’une ne pouvait exister sans l’autre. Selon une étude de l’Ined publiée en juillet 2025, les moins de 40 ans sou­haitent aujourd’hui nettement moins d’enfants qu’il y a 20 ans. 

    Signe de cette mutation profonde, 13 % des femmes déclarent désormais ne pas vouloir avoir être mères, contre seulement 2 % en 2006. Derrière ces chiffres se dessine un nouveau rapport des jeunes géné­ra­tions au futur. L’étude évoque un lien clair entre la baisse du désir d’enfant et plusieurs facteurs sociétaux : l’angoisse cli­ma­tique, l’incertitude éco­no­mique, la quête d’égalité et de sens.

    Suzanne ne conçoit plus la maternité comme quelque chose d’indispensable. © Suzanne Josse

    Une géné­ra­tion angoissée

    « À l’adolescence, ma per­cep­tion de la maternité a changé », raconte Suzanne, 22 ans, étudiante en jour­na­lisme à Lille. Elle se souvient des poupées qu’on lui offrait, des « quand tu seras maman… », et du moment où ces mots ont cessé de lui parler. « J’ai pris conscience que c’était une immense res­pon­sa­bi­lité que d’éduquer quelqu’un et de le laisser au monde. La maternité qui me parais­sait évidente est devenue option­nelle. » Aujourd’hui, Suzanne dit osciller entre son besoin d’indépendance et sa crainte de vivre seule. « J’ai réalisé que ma géné­ra­tion était assez divisée sur le sujet. »

    Les childfree, une com­mu­nauté qui s’assume

    Sur les réseaux, un mot s’est imposé : childfree, libre d’enfant. Bettina Zourli, autrice et militante féministe, en est l’un des visages. Avec son compte Instagram ancien­ne­ment @jeneveuxpasdenfant et l’ouvrage collectif Nullipares, et alors ? Être sans enfants (Points, 176 pages, 8,95 euros), elle donne une voix à celles qui veulent vivre autrement. « Je serai la tata cool, mais je ne veux pas d’enfant », résume-​t-​elle. Une phrase devenue slogan, largement reprise sur TikTok. 

    Chloé Delaume, qui coordonne le livre paru en novembre 2025, ouvre le texte sur la défi­ni­tion du mot nullipare : « se dit d’une femme qui n’a pas encore donné naissance à un enfant. » Elle relève : « Pas encore. » Deux mots révé­la­teurs d’une idée tenace : celle que la maternité reste l’horizon inévi­table du féminin.

    Dans cet ouvrage, artistes, jour­na­listes et autrices éclairent ce que revêt ce choix de la non-​maternité. © Inès Laïb

    La maternité comme mission

    Cette évidence, Mira, 29 ans, ne l’a jamais remise en cause. « J’ai toujours su que j’aurais des enfants jeunes. J’ai voulu suivre l’exemple de ma mère. » Ses yeux, dis­si­mu­lés derrière de larges lunettes carrées, suivent au loin son fils qui court sur la Grand’Place de Lille. Pour elle, refuser la maternité relève presque de l’égoïsme. « C’est comme si on refusait de par­ti­ci­per à la vie, à la conti­nuité. » Ce même jugement, Élodie le sent souvent peser sur elle : celui de sa belle-​mère, persuadée qu’une femme sans enfant est une femme inachevée. « Quand je lui ai dit que je ne voulais pas d’enfants, elle m’a répondu : “Mais tu ne veux pas rendre Julien heureux ?” »

    « Il s’agit de
    dé-​positionner la maternité
    comme unique horizon féminin »

    Mélissa, 25 ans.

    Julien, lui, a longtemps cru qu’avoir des enfants allait de soi, avant de com­prendre que ce désir n’était pas le sien, mais celui qu’on lui avait transmis. « Ce que ma famille ne comprend pas, c’est qu’on peut être heureux autrement. Qu’un couple sans enfant, ce n’est pas un couple incomplet », ajoute-​t-​il. Ensemble depuis sept ans, mariés depuis deux, ces tren­te­naires ont trouvé leur équilibre à travers cette décision, malgré les remarques et les doutes qui s’invitent souvent à table. « Le pire, c’est que les gens ne nous croient pas, souffle Élodie. Ils pensent qu’on finira par changer d’avis. »

    Pour Catherine Vialle, théo­lo­gienne, on peut concilier foi, féminisme et refus d’enfanter. © Catherine Vialle

    Le ventre des femmes, un devoir sacré ?

    « La Bible insiste très fort sur l’importance de la maternité pour les femmes et sur le fait que c’est une béné­dic­tion », explique Catherine Vialle, docteure en théologie. « Dans la société d’Israël antique, ne pas avoir d’enfant était vécu comme un échec. Mais on observe une évolution, déjà dans l’Ancien Testament, avec des figures comme Judith, qui choi­sissent de ne pas se remarier et de ne pas enfanter. » Pour la théo­lo­gienne, la tension persiste encore aujourd’hui : « Dans la pensée chré­tienne, on lie très fortement mariage et fécondité. La logique veut que si on est en couple, on doit avoir des enfants. […] Mais je pense qu’il faut séparer le fait de s’accomplir en tant que femme et celui d’enfanter. »

    Et ce choix, Claire l’a fait. « Croire en Dieu ne veut pas dire suivre un scénario tout tracé », estime cette catho­lique pra­ti­quante de 41 ans. « Avec mon mari, on partage une foi commune, mais on ne ressent pas ce désir d’enfant. On me dit souvent : “Tu verras, c’est dans le plan de Dieu.” Mais peut-​être que le plan de Dieu pour moi, c’est justement d’aimer autrement. »

    Et si le féminin ne se résumait pas à enfanter ?

    « Il ne s’agit pas de nier la maternité, mais de la dé-​positionner comme unique horizon féminin », affirme Mélissa. Son propos résonne comme une évidence dans une géné­ra­tion qui refuse que la pro­créa­tion soit une condition de valeur. Alors que le taux de fécondité poursuit sa lente érosion (1,62 enfant par femme en France en 2024, contre 1,92 en 2005, selon l’Ined), ces femmes rap­pellent qu’aimer, créer, trans­mettre ou construire ne se limitent pas à donner la vie. Mélissa hausse les épaules, presque sereine. « Je préfère regretter de ne pas avoir eu d’enfants, conclut-​elle, plutôt que de regretter d’avoir fait vivre une vie dont je n’étais pas sûre de vouloir. »

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