Sur les pentes du volcan, les touristes viennent chercher le sacré ou le spectacle du lever du soleil. Pour les jeunes de Lombok qui les guident, cette ascension est avant tout un moyen de survivre.
Ce volcan, sacré pour les Balinais, attire chaque année des centaines de visiteurs qui viennent admirer le lever du soleil, ou pour la promesse d’une ascension spirituelle. Mais à côté de cette image idéale de randonneurs et de pèlerins, il y a celle des guides venus de Lombok pour gagner péniblement de l’argent afin améliorer leur condition. Ils sont souvent employés au noir, à la demande de petits tour-opérateurs ou de touristes qui recherchent un tarif au plus bas.

C’est dangereux, mais on n’a pas le choix
« On part le soir, on grimpe de nuit et on redescend le lendemain matin », explique Raka, vingt-trois ans. Il n’a pas de diplôme de guide officiel, seulement un bon sens de l’orientation, des jambes solides et la connaissance du terrain. « Parfois, on reste deux ou trois jours, quand les touristes souhaitent dormir près du sommet. » Ce travail est irrégulier, dépendant de la saison et du nombre de guides disponibles. Mais pour beaucoup, c’est la seule source de revenus complémentaire à celle de la culture du riz. À Lombok, le salaire moyen dépasse rarement les 80 000 roupies par jour (environ quatre euros). Une seule ascension du mont Agung peut en rapporter cinq fois plus. « C’est dangereux, mais on n’a pas le choix », reconnaît-il. En 2019, une éruption mineure avait provoqué la fermeture temporaire des sentiers d’accès au sommet. Depuis, les autorités rappellent régulièrement que des zones restent interdites, mais le besoin d’argent reste plus fort que les consignes de sécurité.

Une foi au sommet
Raka a une autre raison d’y monter. Il est hindouiste, fait rare à Lombok où l’islam est majoritaire à 95 %. Pour lui, l’ascension du mont Agung, demeure du dieu Shiva selon la tradition balinaise, n’est pas seulement un travail. C’est aussi un pèlerinage. « Là-haut, je me sens plus proche de ma foi », dit-il simplement. Il dépose parfois une fleur ou un peu de riz en offrande au bord du sentier avant de redescendre. Les guides partent fréquemment en petits groupes, par solidarité autant que par prudence. Ils partagent la nourriture, les pourboires et les risques. La montée est épuisante, la descente parfois plus encore. « On ne dort presque pas, on marche dix heures. Mais quand tu vois le soleil se lever au-dessus de la mer, tu oublies tout », raconte-t-il, un sourire fatigué aux lèvres. Dans les cafés du village, les anciens les regardent partir sans trop faire de commentaires. Pour eux, c’est une continuité, une tradition : hier on travaillait la terre, aujourd’hui on grimpe sur les montagnes. « Ici, chacun fait ce qu’il peut pour vivre. Tant que l’on revient entiers, c’est déjà beaucoup. »