À l’occasion de la journée de lutte contre le harcèlement scolaire, ce 10 novembre, nous sommes partis à la rencontre d’enfants et de parents, victimes de ce fléau. Associations, structures médico-psychologiques et programme de lutte, les solutions existent, les miracles pas encore.
Il y a des dates qui vous hantent pour la vie. Le 13 février 2013, Marion, 13 ans, se suicide, victime de harcèlement au collège. Depuis ce jour, sa mère, Nora Fraisse se bat. Le temps n’apaise pas la douleur et avec des trémolos dans la voix, cette mère, abîmée par l’absence de son enfant, nous confie qu’elle ne lâchera pas « pour que Marion ne soit pas morte pour rien, pour qu’on prenne au sérieux le harcèlement scolaire et surtout pour que les choses changent vraiment ».
Un élève sur 10 serait victime de harcèlement scolaire, en particulier au collège, d’après les chiffres du ministère de l’Éducation. Il y a 8 ans, Nora a décidé de créer l’association « La maison de Marion » à Paris. Un hommage à « son ange » parti trop tôt. Un lieu à l’écoute des enfants et adolescents victimes, de leurs parents et des professeurs. Très vite, elle s’est entourée d’une équipe de professionnels : sophrologue, coach de vie, coach pédagogique, psychologue, avocat, anthropologue…
Ensemble, ils participent à de nombreuses conférences publiques afin de sensibiliser et prévenir les risques liés aux violences scolaires, au harcèlement à l’école et au cyberharcèlement. « On organise des ateliers à destination des parents et des élèves. On intervient aussi dans les établissements scolaires, et ce, partout en France explique la fondatrice, avant d’ajouter, Surtout, on agit en soutien auprès des familles et victimes confrontées à ces agressions. Je me bats pour qu’aucun enfant n’ait le même destin que ma fille. »
Des centres médico-psychologiques comme lieux d’écoute
Louise, 8 ans, est cloitrée chez elle depuis 6 mois. « Devant l’école, elle pleure, et s’accroche à la portière de la voiture. Elle ne mange plus, elle refuse de nous parler. On ne sait plus quoi faire », expliquent ses parents. Face à son mal être, ils décident de se tourner vers le Centre Médico-Psychologique (CMP) de Lomme, dans l’aglomération lilloise. Louise est prise en charge par une psychologue et un pédopsychiatre. « Le CMP propose un espace personnalisé à l’enfant. Celui-ci dispose d’un espace à lui où il peut verbaliser tout ce qu’il veut sans crainte de blesser ou de décevoir », explique le docteur.
Nombreux parents démunis face au changement de comportement de leur enfant décident de consulter le CMP, établissement public dont les consultations sont remboursées par la sécurité sociale. « Dans un harcèlement, la violence psychologique reste omniprésente. Il y a une notion de durée et d’intention de nuire, précise le pédopsychiatre, L’enfant a besoin d’être entouré. Généralement, ce sont les psychologues qui s’occupent de ces victimes types. »
Mais parfois, le traumatisme est trop grand, alors le pédopsychiatre prend le relai et prescrit « des traitements médicamenteux transitoires en cas de syndrome dépressif ou troubles anxieux majeurs. » Toutefois, il est souvent difficile de déceler la détresse d’un enfant harcelé à l’école, la victime croyant toujours pouvoir régler ses problèmes seule, mais aussi par peur des représailles. « Quelquefois les adultes remarquent qu’un enfant se sent mal, mais ils estiment que c’est normal, que cela fait partie des périodes de l’enfance et de l’adolescence », constate le docteur. Pas d’ « Eurêka », le remède pour détecter les victimes n’est pas encore trouvé.
Le programme pHare du gouvernement Macron
Ni pour les éviter. C’est pourtant le combat que mène le gouvernement du président Macron depuis son premier quinquennat. « Le harcèlement touche tout le monde. On ne le voit pas venir et on se sent coupable, on ne sait pas pourquoi. La honte doit changer de camp », a réagi la Première dame et ex-professeure de français, Brigitte Macron, le 10 novembre sur France 2.
Pour lutter contre ce fléau, elle a insisté sur l’importance de « verbaliser » ses traumatismes, que ce soit auprès des parents ou de professionnels. Il existe notamment deux numéros nationaux dédiés : 30 20 pour le harcèlement scolaire et 30 18 pour le cyberharcèlement. Aussi, depuis la rentrée 2022, le gouvernement a généralisé le programme pHare.
« On avait fait tant de mal à Marion qu’elle a pendu l’arme du crime, son téléphone, celui par lequel tout est arrivé. »
Ce dispositif de prévention dans les écoles élémentaires et les collèges est expérimenté depuis 2019 dans six académies et doit achever cette année sa généralisation dans tous les établissent français. Il prévoit la formation d’une équipe de référence d’au moins cinq personnes par collège et par circonscription dans les écoles élémentaires. Dans les collèges, il met en place la nomination et la formation de dix élèves ambassadeurs. Et promet pour tous les enfants, dix heures de sensibilisation par an.
Des réponses face au harcèlement scolaire, il y en a. Mais pas encore de solution miracle. Alors tous poursuivent leur combat. Les yeux baignés de larmes, Nora conclut : « On avait fait tant de mal à Marion qu’elle a pendu l’arme du crime, son téléphone, celui par lequel tout est arrivé, les insultes, le harcèlement, et a préféré partir. C’était odieux, insupportable. Plus jamais ».