Plus

    Derniers articles

    Témoignage d’un tra­vailleur du sexe : se pros­ti­tuer pour se sentir aimé

    À Lille, une pétition circule afin que la préfecture...

    Le Malawi, sous l’emprise d’El Niño, déclare l’état de catas­trophe naturelle

    Touché par une sécheresse dévastatrice, le Malawi est au...

    Jeux Olympiques : le break­dance à peine intégré s’in­quiète de son avenir

    Ce sera le bouquet final de nos Jeux à...

    A l’ombre des barreaux, un monde de violence

    Crainte des repré­sailles, collecte de preuves difficile et pour­suites avortées… La violence entre gardien et détenu est rarement mise en lumière et sanctionnée.

    Molesté nu par six sur­veillants durant une vingtaine de minutes, strangulé dans sa cellule ou encore décédé malgré avoir crié à l’aide… Derrière les barbelés français, les violences de la part des agents péni­ten­tiaires sur les détenus seraient loin d’être mar­gi­nales. Mais faute d’un décompte officiel, elles sont impos­sibles à quan­ti­fier. « Comme si, une fois encore, le sort réservé aux personnes détenues n’intéressait pas. Comme si, leur statut de pri­son­nier les privait de la pos­si­bi­lité d’être perçus et reconnus comme des victimes », confie Odile Machi, res­pon­sable du pôle enquête de l’Observatoire International des Prisons (OIP). L’association, qui a rendu un rapport accablant sur la question en 2019, reçoit trois à quatre signa­le­ments de détenus par semaine. 

    Du côté des syndicats péni­ten­tiaires, personnel comme direction, on réfute l’idée d’un phénomène sys­té­mique. Même si à demi-​mot, on admet la présence de brebis galeuses. Pour Maitre Brochen, avocat lillois ayant défendu dans sa carrière des pri­son­niers et un sur­veillant, la vérité est plus complexe : « Souvent, quand il y a des incidents invoqués par un détenu, cela se trans­forme en incidents dont il serait à l’origine. L’administration péni­ten­tiaire dans son ensemble a toujours du mal à recon­naître quand elle a des dif­fi­cul­tés. » Odile Machi confirme : « Elle va toujours alléguer une bonne raison pour inter­ve­nir. Il se posera la question de la pro­por­tion­na­lité de son inter­ven­tion, mais jamais de sa nécessité. » 

    Conditions de détention, condi­tions de travail : même détresse 

    Deux moments seraient par­ti­cu­liè­re­ment propices à ces dérapages : la mise au quartier dis­ci­pli­naire et la fouille intégrale. Toutefois, la plupart des affaires sortent rarement du huis clos des coursives. « Par peur des repré­sailles, en détention, le silence fait sa loi, confie un ex-​détenu à la maison d’arrêt de Lille-​Sequedin, D’autant plus que les cer­ti­fi­cats médicaux ne sont pas toujours délivrés. » Obtenir les images de vidéo­sur­veillance, dont aucun délai minimum de conser­va­tion n’est imposé aux admi­nis­tra­tions, relève aussi de la gageure. Mais peu à peu, le silence se fissure. En 2016, un sur­veillant de Lille-​Sequedin est condamné à deux mois de prison avec sursis pour avoir étranglé un détenu. Un autre à cinq mois toujours avec sursis pour non-​assistance à personne en danger après la mort, d’une overdose de méthadone, d’un pri­son­nier auquel on a refusé une assis­tance médicale… 

    Pour les syndicats, si ces actes sont « impar­don­nables », ils sont seulement les séquelles d’un système carcéral au bord du gouffre. « L’administration péni­ten­tiaire maltraite ses usagers-​détenus, mais aussi ses agents. Elle nous traite mal, nous ignore et nous laisse tous dans notre merde ! », s’énerve un militant du Syndicat Pénitentiaire des Surveillants (SPS). Pour preuve : vétusté, sur­po­pu­la­tion et pénurie de gardiens. « Les éta­blis­se­ments fonc­tionnent en mode dégradé. Les causes et les consé­quences sont les mêmes : turnover et absen­téisme chronique de la part des agents », explique le syndicat Ufap-​Unsa Justice. Formés durant six mois seulement, salaire débutant à 1800 euros, malmenés par les détenus et leurs horaires de travail… Les raisons du malaise sortent de l’ombre. 

    Prison avec sursis pour 6 sur­veillants de Lille-Sequedin

    Ce 10 novembre, le tribunal cor­rec­tion­nel de Lille a condamné à un an de prison avec sursis et à une inter­dic­tion d’exercer deux ans dans la péni­ten­tiaire, deux sur­veillants de Lille-​Sequedin. Pour quatre autres, la peine s’élève à 1 an de prison avec sursis et un an d’interdiction d’exercice. Pour tous, le tribunal a requis l’inscription de la peine au casier judi­ciaire. Il y a un mois, durant une audience de plus de 9 heures, ces derniers avaient dû s’expliquer. En cause : un déchai­ne­ment de violence d’une vingtaine de minutes à l’encontre d’un détenu. Pour pièces à convic­tion : les images des vidéos sur­veillance du 3 janvier, nuit des faits. Les six sur­veillants jugés étaient inter­ve­nus dans une cellule pour une dispute entre détenus. Un des deux était encore nu, couvert de savon et sous la douche. Il a été traîné ainsi par ses poignets menottés dans le dos jusqu’au quartier dis­ci­pli­naire, et roué de coups. Hématomes, plaies sur­in­fec­tées… Le détenu est sanc­tionné en conseil de dis­ci­pline et n’est soigné qu’une semaine plus tard. « Dix mois après, regardez ces entailles aux poignets qu’il me reste », s’est exclamé celui qui a été transféré entre temps à la maison d’arrêt de Maubeuge. Pour Me Brochen, avocat d’un des agents, certes « ces violences sont inad­mis­sibles », mais sortent de l’ombre « une admi­nis­tra­tion péni­ten­tiaire malade qui met le couvercle dès que ça se passe mal ». En interne, aucun sur­veillant n’a été sanc­tionné. Son client a même reçu une lettre de sa hié­rar­chie le féli­ci­tant pour « son sang-​froid » quelques jours après l’incident. « 162% de taux de sur­po­pu­la­tion à Sequedin. Ce soir-​là, ils étaient 14 sur­veillants pour 854 détenus… Ce sont des hommes qui tiennent et un jour craquent », conclut une autre avocate de la défense, Me Catrix. 

    Six sur­veillants ont été condamnés par le tribunal cor­rec­tion­nel de Lille. © Marie Chéreau

    Les Hauts-​de-​France n’échappent pas à la machine infernale carcérale 

    Béthune, Maubeuge, Valenciennes, Lille-​Sequedin… Dans les Hauts-​de-​France, les neuf maisons d’arrêt souffrent toutes de sur­po­pu­la­tion. « C’est la prin­ci­pale source de tensions et d’agressions. La meilleure preuve, c’est que quand leur nombre a baissé pendant le Covid-​19 avec les libé­ra­tions anti­ci­pées, on est revenu à un vrai travail humain », explique un militant de FO-​Pénitentiaire. D’après le syndicat, il man­que­rait environ deux cents sur­veillants dans la région. « Aujourd’hui, on a un peu moins de trois mille agents péni­ten­tiaires. Nous avons un personnel vieillis­sant et du mal à recruter », explique Valérie Decroix, direc­trice inter­ré­gio­nale des services péni­ten­tiaires de Lille. Car si le budget de la Justice 2023 en hausse de 8% promet la création de 15 000 places de prison sup­plé­men­taires et de 800 emplois à l’horizon 2027, le système carcérale est loin d’être attractif. Selon FO-​Pénitentaire, en 2022, moins de deux inscrits sur dix au concours d’entrée de l’ENAP (École nationale d’ad­mi­nis­tra­tion péni­ten­tiaire) se sont présentés aux épreuves.  

    À Lille, la bière coule de source

    Berceau historique du brassage, la métropole lilloise entretient une...

    Concerts : la chasse au billet est lancée

    Il fut un temps où assister à un concert...

    À Roubaix une jeune artisane sublime les fraises en chocolat

    Ancienne professionnelle de l’événementiel, Dounia s’est lancée dans la...

    Contrepoint n°39

    À Roubaix une jeune artisane sublime les fraises en chocolat

    Ancienne professionnelle de l’événementiel, Dounia s’est lancée dans la confection de fraises enrobées de chocolat. À Roubaix, elle a fondé Fraises d’Amour, une petite...

    Faim de mois : à Lille, les étudiants pris entre budget et conscience

    À Lille, difficile d’échapper à la tentation du fast-food à petit prix. Entre la malbouffe, les applis de livraison et les repas étudiants à...

    Quand passion et (sur)consommation ne font plus qu’un

    En 2024, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) annonce une hausse de 1 % des dépenses de consommation des ménages....