Ils partagent nos joies, nos peines, nos sourires et nos souvenirs. Nos animaux sont nos confidents, amis, soutiens et familles. Quand ils disparaissent, des vies sont chamboulées, des cœurs arrachés. Pourtant, le deuil animal – et ses conséquences – ne sont pas toujours pris au sérieux.
Alors que 85 % des propriétaires disent avoir vécu un bouleversement émotionnel après la perte de leur compagnon, la société peine encore à reconnaître cette douleur comme légitime.
« On me dit que ce n’est qu’un chien mais pour moi, c’était ma famille. » Dans le salon de Claire, le panier de Daria est toujours présent. Son Jack-Russel est mort il y a 6 ans, mais la douleur reste intacte : sa mort fut un drame. « J’ai été déprimée pendant très longtemps. Aujourd’hui, je commence à aller mieux, j’apprends à vivre en son absence. », déclare Claire.
Selon une étude d’IFOP/Woopets de 2022, 85% des propriétaires d’un animal de compagnie disent avoir vécu un véritable bouleversement émotionnel après la perte de leur compagnon. Un sentiment confirmé par différentes recherches – réunies dans le rapport de Snopes (octobre 2024) : le deuil d’un animal peut être aussi profond que celui d’un proche humain, en raison de la rupture du lien affectif et de la solitude ressentie. Une épreuve pourtant régulièrement tournée en dérision à cause de l’absence de reconnaissance sociale du deuil animalier.
Un lien qui soigne

Qu’il soit celui que l’on connaît depuis notre naissance ou celui qui nous accompagne dans notre fin de vie, celui à qui l’on se confie ou celui qui refait notre déco en notre absence, l’animal de compagnie devient une famille. D’un amour inconditionnel au deuil silencieux, ce lien impossible à décrire – ou à comprendre – à ceux qui ne le connaissent pas devient essentiel au bonheur des deux protagonistes dès la première rencontre. Nous le savons déjà, par ses yeux doux et par sa queue qui remue à notre moindre regard : notre animal de compagnie ne vit qu’à travers nous. Mais si, finalement, cet amour inconditionnel n’était pas seulement vital pour lui… mais aussi pour nous.
Les animaux de compagnie jouent un rôle primordial dans l’équilibre psychologique de leurs propriétaires. Selon une étude Ipsos pour SantéVet publiée en 2025, 95 % des Français estiment que leur animal améliore leur santé mentale, un chiffre qui grimpe à 97 % chez les 18 – 24 ans. Sur le plan physiologique, le contact avec un animal stimule la production d’ocytocine, surnommée « l’hormone du bonheur », réduisant ainsi le stress et l’anxiété. « Elle [la relation avec un animal] constitue une « bulle protectrice », un point d’ancrage face aux épreuves et aux incertitudes, tout en apportant une légèreté bienvenue grâce à ses comportements spontanés et joyeux. », résume Jessica Serra, spécialiste de la cognition animale. Une étude de l’Université de Miami a également montré que les propriétaires d’animaux ont une meilleure estime de soi et une plus grande résilience émotionnelle que ceux qui n’en ont pas.
Et puis, au-delà de nous apporter un soutien émotionnel sans égal et un amour inconditionnel, les animaux favorisent également le lien social : balades, échanges entre passionnés, ou simplement discussions spontanées autour de son compagnon à quatre pattes. Ils sont des catalyseurs de rencontres et des soutiens affectifs puissants, souvent comparés à des « thérapeutes silencieux ».
Quand l’absence laisse une empreinte
Vous connaissez probablement l’histoire d’Hachikō, un chien japonais devenu célèbre pour avoir attendu son maître décédé chaque jour à la gare de Shibuya pendant près de dix ans, jusqu’à sa propre mort en 1935. Une fidélité jusqu’au dernier souffle. Car, en effet, l’animal de compagnie construit son monde autour de nous. Mais si c’était également notre cas ? Et si une partie de notre monde était consacrée à notre animal et s’effondrait dès sa disparition ?
Symptômes de dépression, anxiété, isolement… Autant d’étapes de deuil que lorsqu’il s’agit de la perte d’un proche humain. La perte d’un animal de compagnie provoque un bouleversement émotionnel profond, souvent comparable à celui d’un deuil humain. Selon une enquête Esthima-Woopets menée en 2022 auprès de plus de 12 000 personnes, 9 Français sur 10 ont déjà été confrontés à la mort d’un animal, et une majorité affirme avoir vécu un choc émotionnel durable. Pourtant, comme le souligne le site Résilience PSY, « la perte d’un animal de compagnie peut engendrer une douleur aussi intense que celle ressentie lors de la disparition d’un proche humain ».

Ce lien affectif intense, tissé au fil des années, laisse derrière lui un vide brutal. Des études citées par Vitomalia montrent que le lien émotionnel avec un animal active des mécanismes cérébraux similaires à ceux de l’attachement humain, ce qui explique l’intensité du deuil ressenti. Pour certains, la résilience passe par des gestes symboliques forts : tatouages, portraits, objets commémoratifs, autant de moyens de garder vivant le souvenir du compagnon disparu. Ces pratiques ne sont pas seulement esthétiques, elles incarnent un lien, une mémoire, une façon de dire : il a compté, il compte encore. Tout est bon pour rendre hommage à celui dont l’amour était indéfectible. Certains sont même prêts à débourser plusieurs centaines d’euros pour qu’il repose dans un cimetière pour animaux – au nombre de quatre dans le Nord.
Le traumatisme lié à cette perte est d’autant plus intense que l’animal était souvent perçu comme un refuge émotionnel, un confident silencieux. Et quand ce pilier s’effondre, c’est tout un équilibre intérieur qui vacille. Le Figaro Santé souligne que la souffrance causée par la disparition d’un animal n’est pas toujours accueillie avec bienveillance par l’entourage, renforçant le sentiment d’isolement et de culpabilité chez les personnes endeuillées. Alors, reconnaître le deuil animalier, c’est reconnaître l’amour, la fidélité et la place essentielle que nos compagnons occupent dans nos vies. Tant que cette douleur restera invisible aux yeux de la société, elle continuera de peser encore plus lourdement sur ceux qui l’éprouvent en silence.
Un être, pas un objet : la loi le dit
Depuis la loi du 16 février 2015, le Code civil reconnaît l’animal comme un « être vivant doué de sensibilité ». Ce statut juridique marque une avancée majeure, distinguant l’animal des simples biens matériels et renforçant sa protection légale. Peut-être n’est-il donc pas si fou d’imaginer que la perte de son animal est un deuil à part entière, le deuil d’un être cher ?