Ambassadeur du Gabon auprès du Benelux et de l’Union européenne, Serge Thierry Mickoto Chavagne nous a accordé un entretien pour évoquer son parcours, sa vision de la diplomatie et les enjeux des relations entre l’Afrique et l’Europe.
En quoi consiste votre travail d’ambassadeur à Bruxelles ?
Serge Thierry Mickoto Chavagne – Au quotidien, j’exerce la feuille de mission que mon pays m’a donnée, avec des objectifs à atteindre qui peuvent être d’ordre politiques, économiques, sociaux ou culturels. Il y a d’un côté les relations bilatérales, comme celles entre le Gabon et la Belgique ou le Luxembourg. Et de l’autre, les relations multilatérales, qui concernent les échanges avec les institutions internationales. Le rôle du diplomate, c’est de s’assurer que les relations entre son pays d’origine et le pays dans lequel il exerce restent les plus fluides possibles. Il anticipe les tensions, les prévient ou les apaise. Car, l’histoire nous l’enseigne, certaines tensions ont déjà mené à des guerres. Il faut éviter que cela ne se reproduise. C’est pour cela qu’a été adoptée, en 1961, la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Elle définit le rôle, les devoirs et les immunités des diplomates.
Est-ce que vous travaillez en réseau avec d’autres ambassadeurs ou fonctionnaires ? Y a‑t-il des formes de solidarité ou de coordination avec les autres pays africains ?
S‑T MC – Oui, il y a une antenne de l’Union africaine à Bruxelles. L’Union européenne peut prendre des décisions qui affectent les économies africaines, comme l’Union africaine peut en prendre qui affectent ses relations avec les pays européens. (…) Dans le cadre de l’Union africaine, nous œuvrons à la coordination. Le Gabon, par exemple, préside depuis plusieurs années un comité ad hoc chargé de préparer les relations avec l’Union européenne.
Quels intérêts les pays africains trouvent-ils dans l’Union africaine, et que peuvent-ils apporter à l’Union européenne ?
S‑T MC – Dans un monde où certains prônent le repli sur soi, le principe de solidarité est fondamental. Être membre de l’Union africaine, pour le Gabon comme pour d’autres, c’est ne pas rester seul face aux grands défis. C’est partager une vision, coordonner des positions et défendre ensemble des intérêts communs. Ce que nous apportons à cette Union, c’est notre singularité, notre façon de faire, nos ressources. Et en retour, l’Union nous donne une voix collective face à des partenaires comme l’Union européenne. Avec cette dernière, nous avons des conventions qui vont au-delà des aspects politiques : elles structurent aussi nos relations économiques. La plus récente, signée à Samoa entre l’Union européenne et 78 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, pose un cadre pour les vingt prochaines années. Cela permet de naviguer avec des instruments clairs, plutôt qu’à vue.
Cela facilite-t-il aussi les échanges commerciaux ?
S‑T MC – Oui, dans une certaine mesure. Des accords peuvent, par exemple, encourager l’importation de bois africain en Europe. Mais ce n’est pas toujours simple. L’Union européenne a adopté un règlement pour limiter l’importation de bois issu de zones déboisées, afin de lutter contre la déforestation.
Et comment le Gabon répond-il à ce type de régulation ?
S‑T MC – Le Gabon aussi peut poser des conditions. Nous sommes engagés dans la préservation de l’environnement depuis longtemps. Nous possédons 13 % de la forêt du bassin du Congo. Cette forêt joue un rôle crucial dans la régulation du climat mondial. Le Gabon capte plus de CO₂ qu’il n’en émet. Nous pourrions donc décider de limiter l’entrée de produits qui ne respectent pas les normes que nous appliquons nous-mêmes. C’est aussi cela, la diplomatie économique : faire valoir nos efforts, défendre nos intérêts et négocier sur un pied d’égalité.
Comment voyez-vous le Gabon dans les années à venir ?
S‑T MC – De manière positive. Le pays est sur des rails solides : cohésion nationale, stabilité politique, gestion économique… Mais nous évoluons dans un monde instable. C’est pourquoi il est essentiel de faire vivre l’esprit de la Convention de Vienne.
La situation politique du Gabon
Le Gabon, pays d’Afrique centrale de 2,4 millions d’habitants, traverse une période de transition depuis le coup d’État militaire du 30 août 2023. Le général Brice Oligui Nguema, arrivé au pouvoir, a été élu président le 12 avril 2025.