C’est officiel. Le Parlement européen a voté la fin du permis de conduire à vie. D’ici trois ans, la France devra instaurer un renouvellement obligatoire tous les quinze ans, assorti de contrôles médicaux renforcés pour les plus de 65 ans. Une mesure qui divise entre sécurité routière et atteinte à la liberté des seniors.
Adoptée le 21 octobre, la réforme européenne vise à vérifier plus régulièrement l’aptitude des conducteurs, notamment après 65 ans. Les États, dont la France où c’est une grande première, auront trois ans pour l’appliquer. L’objectif : prévenir les accidents liés à la perte des réflexes ou de la vision. « C’est une bonne chose. En vieillissant on peut perdre nos réflexes et devenir dangereux, assure Dominique, 63 ans. Mon père conduit de plus en plus mal. C’est devenu un véritable danger sur la route. » Jérôme, 48 ans, renversé lors d’une sortie en vélo ajoute : « Le conducteur devait avoir plus de 70 ans. Il n’a pas regardé ses angles morts et m’a percuté. »
« C’est une bonne chose. En vieillissant on peut perdre nos réflexes et devenir dangereux pour nous et pour les autres. »
Des auto-écoles déjà sous-tension
Mais sur le terrain, beaucoup craignent une fracture entre villes et campagnes. Patricia, 70 ans, y voit une contrainte de plus. « Pour ceux qui vivent à la campagne, sans transport en commun, c’est l’isolement assuré », ajoute-t-elle. Les professionnels redoutent, eux aussi, une hausse des demandes de remise à niveau, alors que les délais pour passer le permis sont de plus en plus longs. « On n’arrive déjà plus à assurer un suivi correct de nos élèves. Nous risquons de ne plus pouvoir répondre à toutes les demandes », affirme Mélanie, monitrice d’auto-école.
Des inspecteurs débordés et en sous-effectif
Les inspecteurs du permis de conduire tirent également la sonnette d’alarme. Le syndicat majoritaire Snica-FO réclame le recrutement d’inspecteurs supplémentaires pour faire face à l’augmentation du nombre de candidats. Aujourd’hui, les délais entre deux passages d’examen dépassent souvent 80 jours alors que la loi fixe un maximum de 45. La réforme du permis à durée limitée risque donc d’alourdir la charge de travail de ces derniers : plus de contrôles médicaux, plus de candidats à examiner, plus de cours de remise à niveau à encadrer. En juillet, le ministre François-Noël Buffet, démissionnaire depuis, a cependant annoncé la création de nouveaux postes d’inspecteurs et de nouvelles places d’examen, cependant insuffisantes pour les syndicats.

Une réforme ambitieuse, un système à repenser ?
Pourtant entre la fin du permis à vie, les délais d’attente de plus en plus longs et les besoins en effectifs, la réforme soulève une question : comment garantir la sécurité sur les routes sans exclure et sans paralyser le système ? Pensée pour atteindre l’objectif européen du « zéro accident mortel » d’ici 2050, la réforme sera appliquée dans les trois prochaines années offertes à la France pour la mettre en place. Cette période sera décisive pour adapter le dispositif sans que sécurité ne rime avec précarité.