À Lille, des centres spécialisés accueillent les personnes à la rue et toxicomanes. Ils y viennent pour s’abriter, manger, obtenir du matériel stérile, mais également pour la chaleur humaine. Nous y avons passé plusieurs heures pour capter l’ambiance et échanger avec les bénéficiaires.
Il est 8h 30, ce 16 octobre 2023. Je passe la porte du Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogue (Caarud), situé sur le Parvis Saint-Michel à Lille. Il commence tout juste à faire froid. L’idée du directeur, Jonas Campagne, est de me permettre de travailler aux côtés des bénévoles. Lorsque je suis entrée, j’ai été surprise par le calme et la propreté de l’endroit. On m’a indiqué où se trouvait le bar, et j’ai tout de suite commencé a préparer le petit déjeuner qui va réchauffer, dans quelques minutes, les 150 bénéficiaires attendus. Les toilettes et les douches sont également prêtes, tout comme le matériel stérile. S’ils en ressentent le besoin, les toxicomanes pourront aller consulter les assistantes sociales et les infirmières.
Un accueil chaleureux
Les portes du centre s’ouvrent et déjà des dizaines de personnes entrent. C’est lundi, et certains n’ont pas mangé ni bu depuis plusieurs jours. Les sans-abri affluent autour du bar. Ils me sourient, me saluent : « Bien le bonjour chère demoiselle, vous avez passé un bon week-end ? », me demande un sexagénaire, sans chaussures aux pieds. Son sourire m’apaise. Les personnes en difficulté se succèdent, vêtues parfois d’une chaussure trouée, d’un jean déchiré, ou d’une veste entaillée. Elles tiennent un sac ou poussent un caddie contenant le peu d’objets en leur possession. Si certaines foncent vers les douches, d’autres se ruent sur les boissons chaudes, pendant que les dernières squattent les canapés, pour terminer leur nuit. Je leur distribue des sandwichs : « Merci pour ce que vous faites, c’est grâce à des personnes comme vous qu’on survit dans la rue », me glisse à l’oreille une jeune femme qui a aussi compris que j’étais journaliste. Âgée de 30 ans, elle vient de passer plus de trois jours sans manger.
Consommer mieux
Quelques minutes plus tard, un homme s’assoit juste à côté de moi. Une odeur me pique les narines. Il s’est uriné dessus. Personne ne lui fait de remarque, le fondement même de cette structure est d’accueillir les personnes dans le besoin sans aucun jugement et les douches sont à sa disposition s’il le désire. C’est aussi avant tout, un centre qui donne aux usagers de drogues un accès à du matériel sûr et stérile, un point essentiel dans la réduction des risques auprès des personnes en grande précarité. Souvent critiqué pour « incitation à la consommation », Jonas Campagne, directeur du Point de Repère, répond : « les gens disent que la drogue, c’est mal, et qu’on ne devrait pas aider les drogués. Moi je pense que le problème n’est pas là. On ne peut pas les forcer à arrêter, mais on peut les aider à consommer mieux et à moindre risque ». Gaëtan, un consommateur d’héroïne et habitué du centre, est reconnaissant : « Je vais chercher mon matériel stérile dans les CAARUD, c’est propre et ça permet d’éviter les maladies. C’est important d’avoir son propre matos et de ne pas le mélanger avec celui des autres ».
Une expérience marquante
Ce matin-là, le CAARUD du Parvis Saint-Michel a accueilli plus de 150 personnes ! Passer ces quelques heures en compagnie des sans-abri et avoir pu échanger librement avec eux dans ce cadre chaleureux m’a permis de revoir les idées préconçues sur le monde de la rue qui étaient les miennes tout comme de prendre conscience de la réalité des difficultés de leur grande précarité. Sans aucun doute une expérience marquante !
C’est quoi un Caarud ?
Ces établissements médico-sociaux sont destinés aux personnes exposées à des risques majeurs, dûs à leur mode de consommation ou aux produits consommés. Financés par l’Assurance Maladie, ils sont gérés par des associations ou des établissements publics de santé. L’accueil se fait de manière anonyme et sans rendez-vous. Les consultations proposées sont entièrement gratuites. Il en existe huit à Lille et dans la métropole.