Longtemps portés puis marginalisés, les cheveux bouclés retrouvent aujourd’hui un regain d’intérêt. Symbole d’identité et d’affirmation de soi, ils ont traversé des périodes de stigmatisation et de réappropriation. Entre héritage culturel, pression sociale et évolution des mentalités, les boucles racontent une histoire complexe et profondément enracinée dans les sociétés contemporaines.
Une symbolique ambivalente
Les cheveux bouclés, souvent associés aux origines méditerranéennes, africaines ou métisses, ont longtemps été perçus comme exotiques et en décalage avec les canons de beauté occidentaux. Christian Bromberger, spécialiste des apparences et des identités culturelles, met en lumière le rôle des cheveux comme marqueurs d’altérité : ils permettent d’identifier, de distinguer, mais aussi, parfois, d’exclure. Portés en perruque exubérantes à la cour de Louis XIV, puis coiffés sur le haut du crâne des femmes à l’époque victorienne en boucles maîtrisées, les cheveux volumineux marquent une appartenance à une classe sociale élevée. Dans les sociétés occidentales, notamment en France et aux États-Unis, les cheveux bouclés ont souvent été relégués à une position marginale, en particulier les cheveux crépus, victimes de discriminations et de pratiques comme le « hair shaming ». Le sociologue Stéphane Héas parle d’une « esthétisation hiérarchisée », où les textures capillaires lisses ont longtemps été érigées en norme, reléguant les cheveux bouclés et crépus à une place secondaire. L’ethnologue Michel Messu, auteur d’Un ethnologue chez le coiffeur, explique qu’auparavant, le cheveu servait à afficher une appartenance sociale. Aujourd’hui, cette distinction se fait davantage à un niveau individuel. Le cheveu devient un outil d’affirmation de soi, un moyen de revendiquer une identité singulière. La tendance actuelle repose sur une injonction au « sois toi-même », où chacun façonne son image à partir des ressources qui l’entourent.
Une évolution récente vers une réhabilitation
L’historienne Juliette Dumas, rappelle que la coiffure a toujours été un enjeu de pouvoir et de résistance, en particulier pour les femmes noires, souvent contraintes au lissage dans les milieux professionnels et sociaux. Depuis les années 2010, les réseaux sociaux ont joué un rôle clé dans la remise en question des normes capillaires traditionnelles et la valorisation de la diversité des textures de cheveux. Des influenceurs capillaires et des marques spécialisées ont contribué à la démocratisation des produits adaptés aux cheveux bouclés.