Depuis le début de l’année, la France propose jusqu’à 200 euros pour favoriser le covoiturage. Le Luxembourg, qui a déjà investi 100 000 euros jusqu’au 31 mars avec la même idée et seulement avec Klaxit (3 euros par passager par trajet), a dû devoir revoir son aide, qui doit se terminer ce 31 décembre.
Chaque matin, selon l’enquête Luxmobil 2017, 250 000 sièges sont libres dans les voitures qui entrent sur le territoire de la capitale. Trop de voitures et trop de sièges vacants, une calamité au regard des bouchons et des difficultés, même si le fabricant de systèmes de navigation GPS Tomtom assure qu’il fallait en moyenne 13 minutes pour faire 10 km à Luxembourg-ville en 2022, soit 20 secondes de moins qu’en 2021.
En moyenne, chaque voiture n’est occupée que par 1,16 personne pour les résidents et 1,22 personne pour les frontaliers. Un chiffre que le ministère de la Mobilité et des Travaux publics (MMTP) comptait voir progresser à 1,5 personne dans son Plan national de mobilité 2035. Comment y parvenir ? Notamment en soutenant le développement du covoiturage.
C’est là, en 2018, que le gouvernement a lancé « Copilote », plateforme de covoiturage, passée dans le giron d’Ecolutis en 2020. Ecolutis, filiale de la SNCF pour le covoiturage depuis 2012, est aussi derrière l’application Klaxit, ce qui explique qu’aujourd’hui l’aide financée par le Luxembourg « invite » les usagers à passer par cette dernière.
2,6 millions de trajets en 2022 pour Klaxit
Seulement, cet acteur, décrit par le ministère comme « le leader européen du covoiturage domicile-travail », avec plus d’un million de membres et plus de 2,6 millions de trajets en 2022, a fini par attirer l’attention de son principal concurrent : le 15 mars, Blablacar a annoncé acquérir l’application fondée par Julien Honnart et Cyrille Courtière pour un montant non communiqué.
En 2024, les deux marques ne feront plus qu’une sous le nom de Blablacar Daily. Et Blablacar fait partie des plateformes retenues par le gouvernement français depuis le début de l’année pour proposer des récompenses allant jusqu’à 200 euros à ceux qui offrent des trajets à des covoitureurs. Beaucoup plus que les 3 euros au maximum par trajet que François Bausch a financés.
Des aides financières plus importantes à la frontière
Dans le cadre d’un plan voulu par le gouvernement d’Élisabeth Borne, les conducteurs qui se lancent dans le covoiturage reçoivent un premier versement de 25 euros après le premier trajet et un second versement de 75 euros après le dixième trajet dans les trois mois. La prime est versée en cash ou en bons d’achat avec des partenaires.
Pour bénéficier de la prime :
– les trajets doivent être effectués en utilisant un opérateur de covoiturage éligible ;
– ne pas avoir bénéficié de chèques carburant ou de cartes cadeaux chez les différents opérateurs ;
– la distance du trajet réalisé en France doit être inférieure ou égale à 80 km et la prime double pour les trajets plus longs, soit jusqu’à 200 euros.
Une « injustice » à gommer
Rien, dans les conditions d’utilisation, n’interdit le cumul des avantages entre deux pays. Pour l’instant, seuls les frontaliers sont éligibles à l’offre des deux plateformes, car le point de départ ou de dépose doit se situer en France métropolitaine. Parallèlement à cette condition, les enseignes demandent également une domiciliation bancaire ou adresse postale française.
Les frontaliers parcourant moins de 80 km dans l’hexagone pour se rendre au Luxembourg (c’est-à-dire, jusqu’aux environs de Pont-à-Mousson ou de Verdun) ne peuvent bénéficier que de l’offre « court trajet » (100 euros au maximum). Il existe pour les plus coriaces une alternative « long trajet » lorsque la distance effectuée excède les 80 km.
En plus des euros offerts par l’État français, ils peuvent prétendre aux 3 euros luxembourgeois. Une injustice par rapport aux usagers « locaux », qui utilisent les mêmes plateformes en ne pouvant espérer « que » les 3 euros luxembourgeois. « Si l’offre du Luxembourg était plus rentable, je serais beaucoup plus susceptible de l’utiliser. Je pense que 10 euros par trajet serait un montant plus incitatif. Cela me permettrait de rentabiliser mes trajets et de contribuer à la réduction de la pollution » témoigne Louis. Une injustice toute relative, car les offres du côté luxembourgeois sont plutôt rares, sans que l’on sache si cela est dû au faible incitatif ou à des habitudes qui ont la dent dure.
L’État le sait pertinemment : le covoiturage est l’une des pierres angulaires pour régler les problèmes de trafic. Le covoiturage, « c’est le pilier essentiel de notre mobilité », avait déclaré en 2020 le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, François Bausch (déi Gréng). Aujourd’hui, il faut décider quoi faire. S’aligner sur la France et réduire la prime des frontaliers au nom de l’égalité avec les résidents ? Se concentrer sur les résidents en laissant à l’Hexagone le soin de soutenir financièrement son plan ? Affaire à suivre…