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    Les tra­vailleurs de la pro­tec­tion de l’enfance en voie de détresse

    Arrêts de travail brutaux, débor­de­ment émo­tion­nel, surcharge de travail, burn-​out… Dans le Nord, les tra­vailleurs sociaux de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ne voient plus le bout du tunnel. Faute à des condi­tions de travail qui se sont nettement dégradées en peu de temps.

    À la manière d’un domino, elles sont tombées une par une. D’épuisement émo­tion­nel, d’abord. Puis, un jour, le corps a dit stop. Il y a plus d’un an, Aline* va chez son médecin, les larmes prêtes à couler. Elle ressort du cabinet avec un arrêt de travail d’un mois dans les mains. A l’heure où ces lignes sont écrites, Aline n’a pas remis pied à la Maison Nord Solidarités de Tourcoing-​Mouvaux. Avant les fête de fin d’année, c’est ensuite Eva* qui a reçu le papier tant redouté, cette fois numérique, intitulé « arrêt de travail ». D’un trait de stylo, est annotée la mention suivante : « burn-​out ». Deux mois plus tard, c’est autour de Mathilde. « On s’y attendait, elle s’était sévè­re­ment embrouillée avec le res­pon­sable, elle était déjà à bout. Mais comme nous tous. » 

    « Travailler à l’ASE, ça abime forcément »

    Si l’Aide sociale à l’enfance est un milieu difficile par défi­ni­tion, la région du Nord s’avère être le noyau dur. En raison, pre­miè­re­ment, de la quantité d’enfants en situation de placement : en 2023, 22 102 mineurs et jeunes majeurs étaient sous la coupe de la pro­tec­tion de l’enfance, dont 9 121 étaient accom­pa­gnés à domicile et 12 981 placés en famille ou dans des foyers. Soit un bond de 4,2 % par rapport à 2022. Sylvie* atteint bientôt la cin­quan­taine, elle s’honore d’une vingtaine d’expérience au sein de la pro­tec­tion de l’enfance. « C’est un très beau métier, j’ai toujours voulu me rendre utile, être au plus proche des enfants. J’ai même pensé à devenir famille d’accueil, mais j’ai dû renoncer pour plusieurs raisons. Alors je suis partie vers l’ASE en tant que référente, de 2008 à 2015, j’avais 32 ans. » Sylvie accom­pagne les familles et leurs doutes, les enfants et leurs carences, et d’autres situa­tions « inima­gi­nables » qui marquent au fer rouge. Elle prévient cependant : « Il ne faut pas croire le cliché disant que les enfants placés sont tous issus de la misère. Beaucoup pro­viennent de classes sociales élevées.» Quand Sylvie sort de de l’école d’assistant social en 1998, personne n’imagine entrer direc­te­ment à l’ASE, une arène dont il faut maîtriser les codes avant de pouvoir y pénétrer. « On ne pouvait pas en sortie d’école, on estimait qu’il fallait avoir de l’expérience… faire du social avec les adultes, par exemple. » Oui mais voilà, le nombre de candidats manquent à l’appel, l’ASE n’intéresse plus. Pourtant, la Maison Nord Solidarités de Tourcoing-​Mouvaux est en charge de 300 mineurs. « On m’a toujours conseillé de ne jamais aller à l’ASE, encore moins de commencer par là », confie Iris*. A l’institut régional du travail social (IRTS) d’Arras, quand on demande aux futurs licenciés de signaler leur intérêt pour l’ASE par un lever de main, deux sont timi­de­ment brandies dans une promotion de soixante. « De 2008 à 2015, ça se passait très bien en Seine-​et-​Marne. Mais de 2015 à 2017, quand je suis rentrée dans le Nord, je suis tombée du grenier à la cave. Très vite, je me suis sentie impuis­sante. Impuissante face au travail monstre, impuis­sante face au manque de placement, au manque de moyens, au manque de formation… Travailler à l’ASE, ça abime forcément », affirme Sylvie. Au sortir de l’ASE, les blessures sont là, parfois elle ne cica­trisent pas. Le trau­ma­tisme, lui aussi, fait partie du quotidien : « Les tra­vailleurs sociaux baignent dans les trau­ma­tismes des familles et des enfants qu’ils suivent, explique Sylvie. Ils y sont confron­tés chaque les jour. Ce n’est bien sûr pas le cas pour tous les tra­vailleurs sociaux, mais certains déve­loppent un syndrome qui consiste à mimer ces trau­ma­tismes, à les vivre, à les ressentir. » 

    Faire avec les moyens du bord 

    Enfance, famille, jeunesse. Trois mots qui désignent sans doute la vie. Charlotte Grimonpont, 30 ans, en est la res­pon­sable, à Roubaix-​Tourcoing. « On embauche, on forme et on accom­pagne les assis­tants familiaux », précise-​t-​elle. Une mission à plein temps : 2 400 familles d’accueil tra­vaillent pour le dépar­te­ment du Nord, lequel est le plus gros employeur de France. « Malgré ça, on perd tous les ans des familles d’accueil. L’un des problèmes, c’est la popu­la­tion vieillis­sante. Ici, nous gérons 367 familles. Les deux tiers ont plus de 55 ans, et quand ils font valoir leur droit à la retraite, l’enfant est de nouveau bousculé, on se doit de lui trouver une autre famille. » Sauf qu’ils manquent, ces assis­tants familiaux. Les places au sein de leur foyer, aussi. Théoriquement, chaque assistant familial peut prendre en charge trois enfant maximum, cela équivaut à trois agréments. Mais la théorie n’existe pas dans la pro­tec­tion de l’enfance. « On peut aller chercher jusqu’à deux déro­ga­tions sup­plé­men­taires, donc deux enfants en plus », détaille Charlotte Grimonpont. Cinq enfants par famille, le compte est fait. Être placé n’est évi­dem­ment pas une chance, tant s’en faut. Mais une autre réalité existe : l’attente pour ceux qui n’ont ni famille ni foyer. « Un an d’attente dans une structure médico-​sociale », c’est le temps moyen pour les enfants « sans solution ». Commence alors la spirale infernale dans laquelle se sentent piégés les tra­vailleurs sociaux qui cherchent déses­pé­ré­ment la solution, la fameuse, résultat d’une équation aux multiples inconnues. « Ce n’est pas un métier qu’on peut exercer toute sa vie. Émotionnellement, ça impacte forcément, notre travail nous repousse dans nos retran­che­ments. Le groupe d’analyse de pratique peut aider à prendre du recul, mais entre la théorie et la pratique, c’est très différent. De manière générale, il y a un manque de formation, que ce soit à l’ASE ou au pôle enfance, famille, jeunesse. Les jeunes pro­fes­sion­nels sont confron­tés à une dure réalité », reconnaît la res­pon­sable. En ce sens, la « décon­nexion » de certains élus détonne avec la réalité du terrain. Début d’année, lors de ses voeux, le président du conseil dépar­te­men­tal du Nord, avait sommé aux assis­tants sociaux d’aller « tra­vailler ailleurs ». Une sortie de route très commentée, que la pro­fes­sion a rapi­de­ment qualifiée « d’irrespect total ». Heureusement, le tableau n’est pas noir. Il y a même de la lumière, de l’espoir, ici, auprès des enfants qui vont mieux, qui retournent chez leur famille, qui trouvent leur voie pro­fes­sion­nelle. « Malgré la dif­fi­culté de la situation, on continue à embaucher des assis­tants familiaux, on participe à l’insertion pro­fes­sion­nelle d’une partie du dépar­te­ment, dont la popu­la­tion est assez pauvre et parfois démunie. On accom­pagne aussi vers le chemin de l’adoption, ce sont de vraies réussites. » 

    * Les prénoms ont été modifiés.

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