Ce mercredi 10 septembre, plusieurs milliers de personnes ont défilé dans les rues du Nord à l’appel de syndicats et de collectifs citoyens. Entre slogans, pancartes et tambours, la mobilisation a marqué la rentrée sociale dans la région. De Estaires à Calais en passant par Lille, nous sommes allés observer la mobilisation citoyenne sur le terrain.
Sur la Côte d’Opale
À midi, la place devant la sous-préfecture de Calais s’anime. Des enceintes crachent des refrains de Renaud, les drapeaux rouges de la CGT claquent au vent, et les conversations se mêlent aux slogans scandés. Dans ce décor saturé de banderoles et de gilets syndicaux, une silhouette détonne : blazer vert vif, cheveux relevés, regard assuré. Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes et conseillère régionale des Hauts-de-France, a choisi de vivre cette journée du 10 septembre au milieu des manifestants de la Côte d’Opale. « J’avais regardé quels cortèges se montaient. J’ai trouvé que c’était l’occasion de venir à Calais pour les soutenir », explique-t-elle, entourée de militants. Findus, ArcelorMittal, Alcatel… Les noms des entreprises menacées s’enchaînent dans un territoire déjà abîmé par les crises industrielles.

Mais ce qui a marqué l’élue, ce sont surtout les invisibles du médico-social : « Des gens qui travaillent pour les plus démunis, mais qui dorment eux-mêmes dans leur voiture le soir. Quand on voit ça, on se dit que ce n’est pas possible en France. » Sous les drapeaux, les générations se mêlent. Les vieux militants, usés par quarante ans de cortèges, croisent des étudiants venus battre le pavé pour la première fois. Cette transmission, Marine Tondelier la salue : « Quand il y a des jeunes qui se mettent dans un mouvement, ça donne de la joie, de l’espoir. On sent que la relève est là. Le moral des troupes, c’est primordial ! » Selon les syndicats, ils étaient plus d’un millier à s’être rassemblés dès 10 heures devant l’hôtel de ville de Calais, venus de Berck, de Boulogne, de Saint-Omer. Mais la mobilisation ne s’arrête pas là. « L’objectif, c’est de faire la jonction avec le 18, où il y aura une grande mobilisation intersyndicale. Chacun à son poste ! »
Du côté des Flandres
Devant la boulangerie-pâtisserie Beaussart, à Estaires, des habitants patientent avec quelques pièces serrées dans le creux de la main. La scène a des airs de retour en arrière, comme si le plastique bleu des cartes bancaires n’avait jamais existé. Une cliente, pressée, finit par s’agacer : « Madame, vous prenez bien la carte bleue, rassurez-moi ? » La vendeuse esquisse un sourire et secoue la tête : ici, la règle du jour est claire.
La maison Beaussart a décidé d’afficher son soutien au mouvement à sa façon, moins 10 % pour tous ceux qui paient en liquide. Pour Stéphanie, agent d’entretien, le principe va de soi. Baguette sous le bras et franc-parler intact, elle lâche : « Aujourd’hui, y’a pas de CB, y’a rien, on bloque tout ! » Arnaud Beaussart, le patron, confiait à La Voix du Nord : « Quand on paie en carte bleue, 0,5 % de la somme part pour la banque… Sans compter la location du TPE, 51 € par mois. »
Le lycée Louis Pasteur n’a pas manqué à l’appel
Dès 6 heures du matin, une cinquantaine d’élèves du lycée Pasteur se sont organisés pour bloquer l’entrée de leur établissement. Poubelles alignées, banderoles déployées, slogans scandés. Luce, élève en terminale, est claire : « C’est important de s’engager à notre échelle. » Accompagnés d’élus sollicités par des élèves appartenant à des syndicats, ils cherchent à avoir plus de crédibilité, « en tant que jeunes on n’est pas écoutés ! »

Justement, plus loin, au milieu de la foule, deux députés de la France Insoumise sont présents, écharpes tricolore par dessus le costume : Ugo Bernalicis, député de la deuxième circonscription du Nord et Aurélien Le Coq, député de la 1ère circonscription du Nord. Pour eux la mobilisation des étudiants est légitime : « À ces jeunes, on a imposé Parcoursup, une politique économique désastreuse, un chômage croissant des jeunes, des conditions d’études qui se dégradent… La jeunesse s’est mobilisée à raison pour défendre son avenir. »
Pour Anouk, étudiante en terminale, la colère est grande : « On organise un blocus car on est révoltés et on se sent concernés, notamment avec les jours fériés, le manque de médicaments, tout l’argent qu’ils ne mettent pas dans le public… Là notre but c’est de faire supprimer les cours pour aller à la manifestation cet après-midi. »
Au cœur de Lille
Au départ de la Porte de Paris, les nombreux manifestants et syndicats se sont effectivement donné rendez-vous dès 14h30 pour appeler le gouvernement à vite changer la situation. Dans la foule, des profils variés : étudiants, enseignants, agents hospitaliers, retraités… Tous avaient en commun la volonté de se faire entendre. « On ne peut plus rester silencieux face à la dégradation de nos conditions de vie », témoigne Marie, salariée dans le secteur public. Un peu plus loin, Julien, étudiant en sciences politiques brandit une pancarte sur laquelle on peut lire « Bloquons tout, notre avenir en jeu ! ».
Si le cortège a occupé le centre-ville pendant plusieurs heures, tout le monde n’a pas accueilli la mobilisation de la même manière. Dans les rues adjacentes, certains commerçants s’inquiètent des conséquences économiques d’une journée de défilé. « Avec les rues barrées, mes clients réguliers n’osent pas venir. C’est une perte sèche pour nous », déplore une gérante d’une boutique de vêtements près de la rue de Béthune.