L’Élysée n’était plus très loin, mais avoir mis au service de son parti des assistants parlementaires a fait s’effondrer le rêve de Marine Le Pen. Retour sur le jugement d’un procès qui pourrait bien changer le visage du Rassemblement National.
Le RN est accusé d’avoir, entre 2004 et 2016, utilisé l’argent du Parlement européen pour financer des emplois… fictifs. Officiellement, ces assistants devaient aider les eurodéputés dans leur travail à Bruxelles ou Strasbourg. En réalité, ils travaillaient pour le parti, en France. C’est l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) qui a tiré la sonnette d’alarme. Après des 8 ans d’enquête, il a été démontré que l’argent des contribuables européens avait servi à payer des permanents du RN, non pas pour faire avancer les dossiers européens, mais pour soutenir la stratégie politique du parti d’extrême droite. C’est pourquoi le parquet de Paris a accusé le parti du Rassemblement National, Marine Le Pen, et les eurodéputés concernés, de détournement de fonds publics. Le 13 novembre 2024, le parquet avait rendu des réquisitions lourdes : cinq ans de prison, dont deux fermes pour Marine Le Pen, cinq ans d’inéligibilité, 300 000 € d’amende, et 4,3 millions d’euros à réclamer au Rassemblement National. Mais au jugement final, rendu le 31 mars 2025, les sanctions ont été revues à la baisse.
Marine Le Pen a été reconnue coupable de détournement de fonds publics et de complicité par instigation – autrement dit, les juges la considèrent comme l’initiatrice du système, celle qui l’a conçu ou encouragé. Elle a été condamnée à quatre ans de prison, dont deux ans ferme aménageables sous bracelet électronique, 100 000 € d’amende, et cinq ans d’inéligibilité, avec exécution provisoire. Le parti RN, de son côté, devra finalement rembourser 2 millions d’euros, soit moins de la moitié de ce qui avait été initialement demandé par le parquet.
Les raisons invoquées par le tribunal
Une peine que certains jugeront sévère. Mais pour les juges, deux éléments la justifient. D’abord, ils estiment qu’il existe un risque élevé de récidive : cela fait près de dix ans que l’affaire a commencé, et ni Marine Le Pen ni les autres responsables n’ont reconnu la moindre faute. Leur défense ? Il ne s’agirait que d’un simple désaccord administratif. Une posture jugée préoccupante par le tribunal, qui a donc choisi l’exécution immédiate de la peine d’inéligibilité. Ensuite, les juges ont évoqué un enjeu démocratique. Selon eux, si Marine Le Pen était candidate – ou élue – à la prochaine élection présidentielle alors qu’elle a été reconnue coupable de détournement de fonds publics, cela poserait un vrai problème de confiance dans la démocratie. Cela risquerait d’alimenter la méfiance, de brouiller l’image de la justice, et de creuser encore un peu plus le fossé entre les citoyens et leurs représentants.
Marine Le Pen espère maintenant un procès en appel d’ici l’été 2026 — une date qui ne doit rien au hasard, puisque la campagne présidentielle pourrait battre son plein.
Une réaction organisée du parti
Le soir même du jugement, la présidente du parti, s’attelle méthodiquement à saper la légitimité de la justice, à 20h au JT de TF1. Son acolyte, dont elle refuse le rôle de remplaçant, Jordan Bardella exhorte les adhérents à une « mobilisation populaire et pacifique ». Un quasi-appel à la rue, que les porte-parole du RN se gardent pourtant de relayer. À l’Assemblée nationale comme à Bruxelles, les élus RN troquent les dossiers techniques pour des envolées indignées sur un prétendu scandale démocratique. L’eurodéputé Thierry Mariani pousse la surenchère : il parle d’« assassinat politique ». Un mot qu’il n’avait pas jugé utile en 2024, quand Alexeï Navalny mourait en prison.