À Lille, les professionnels de santé alertent sur la consommation croissante de protoxyde d’azote, ce gaz dit « hilarant » utilisé à l’origine pour les siphons de chantilly. En ventre libre dans de nombreux commerces, il séduit des jeunes pour ses effets euphorisants mais entraîne des complications neurologies graves.
Au début, c’était juste pour rigoler entre amis
Noah, 25 ans, étudiant à Lille, se souvient de ses premières inhalations lors de soirées. « C’était banal, tout le monde en prenait. Les effets étaient rapides, une sensation de flottement, de rire incontrôlé, puis tout redevenait normal », raconte-t-il. Le jeune homme se rappelle, quelques minutes d’euphorie… puis plus rien. Après plusieurs mois d’usage, Noah commence à être victime de pertes d’équilibre et à ressentir des engourdissements au niveau des jambes. « J’ai compris que ce n’était pas anodin. J’ai arrêté il y a deux ans, mais j’ai dû changer d’amis pour ne plus être tenté. »
Derrière ces effets festifs se cache un danger bien réel. Le protoxyde d’azote, utilisé en principe dans un but alimentaire, agit en bloquant la vitamine B12, essentielle au système nerveux. Sa consommation répétée provoque des atteintes de la moelle épinière, des troubles moteurs et, dans les cas les plus graves, des paralysies irréversibles. Aux urgences du CHU de Lille, les médecins voient affluer des jeunes de 15 à 25 ans, parfois mineurs. « Ce produit bien que contrôlé reste légal et très accessible dans de nombreux points de vente, spécialisés ou grandes surfaces. C’est notamment ce qui rend la prévention très difficile », explique le Dr Grzych, médecin addictologue du service de neurologie.
Sur place, il suffit d’un rapide passage dans une grande surface pour constater la facilité d’accès. Les capsules destinées à la préparation de chantilly sont vendues sous différents formats (8, 10 ou 24 unités) pour un prix de base avoisinant les 10 euros seulement. Aucun contrôle spécifique n’est appliqué lors de l’achat comme nous avons pu nous en apercevoir dans un supermarché de la rue Nationale.
Une urgence neurologique
Le Dr Scliffet, référent prévention au CHU de Lens, note une hausse inquiétante des hospitalisations liées à cette substance : « Depuis 2020, les cas ont été multipliés par quatre. Le protoxyde d’azote n’est pas anodin : c’est un neurotoxique puissant. Quelques semaines d’usage intensif peuvent parfois suffire à provoquer une paralysie totale. »
Face à ce constat, les structures d’aide comme les Consultations Jeunes Consommateurs (CJC) jouent un rôle essentiel. Gratuites, anonymes et ouvertes dans toute la région, elles accueillent les jeunes et leurs proches pour faire le point sur leur consommation et proposer un accompagnement sur mesure.
Mathéo, 23 ans, s’y rend depuis plusieurs mois avec son grand frère : « Je voulais arrêter, mais seul c’était compliqué. Les entretiens m’aident à comprendre pourquoi je consommais. On parle de ma vie, pas seulement du gaz. »
Pour le Dr Scliffet, la prévention doit passer par la parole et la pédagogie : « Il faut informer sans juger. Ce gaz vendu librement n’a rien d’inoffensif, il met en danger le cerveau et l’avenir de ces jeunes. »
La MEL contre le protoxyde d’azote
Face à la multiplication des bonbonnes abandonnées sur la voie publique et des risques pour la santé, la MEL demande à l’État un soutien financier aux communes et une réglementation européenne imposant des normes de sécurité. Lille, Tourcoing et Loos ont déjà interdit la vente de ces capsules aux mineurs, tandis que la MEL prépare un forum national sur la prévention des usages en 2026.