La semaine dernière, le Haut conseil à l’Égalité a publié son deuxième baromètre annuel sur le sexisme en France. Les résultats sont inquiétants : ses manifestations s’aggravent et les jeunes en sont les premiers acteurs. Décryptage.
Environ 93% des Français et Françaises estiment que les femmes et les hommes connaissent des différences de traitement dans au moins une des sphères de la société (travail, école, famille, espace public), d’après une enquête révélée par le Haut Conseil à l’égalité et menée par l’institut ViaVoice. Cette dernière a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de la population française constitué de 2500 femmes et hommes.
En 2023, le sexisme ordinaire règne encore dans la société française. Même si la clairvoyance est au rendez-vous, cela n’empêche pas une grande partie de la population d’adhérer à ces stéréotypes. Selon le rapport : seulement 49 % des femmes et 37 % des hommes estiment qu’il est problématique qu’une femme cuisine tous les jours pour toute la famille.
Une masculinité hégémonique renforcée par les réseaux sociaux
Toujours concernant les foyers français : pour 40 % des hommes et 27 % des femmes, il est logique aujourd’hui qu’une femme s’arrête de travailler pour s’occuper de ses enfants. Et le patriarcat imprègne aussi les relations amoureuses : 38 % des femmes et 52 % des hommes considèrent qu’il est normal que l’homme paye l’addition au premier rencard amoureux.
Pour Sophie Barre, membre du collectif #NousToutes, la masculinité hégémonique, soit la représentation des caractéristiques considérées comme intrinsèquement masculines, s’est renforcée depuis l’apparition des médias sociaux : « Le développement des réseaux sociaux amène une mise en scène de soi, une augmentation de la performance de genre, donc de la mise en scène de la masculinité. Aujourd’hui, la norme veut qu’un homme soit, entre autres, « viril », fort, du côté de la raison et moins de l’émotion et qu’il soit capable de séduire des femmes. »
Les clichés masculinistes ancrés chez les hommes de moins de 35 ans
Cinq ans après #MeToo, mouvement qui a sensibilisé le monde entier aux violences sexuelles envers les femmes, les clichés masculinistes largement répandus grâce aux réseaux sociaux restent les plus ancrés chez les hommes de moins de 35 ans. 20 % des 25 – 34 ans considèrent que pour être respecté en tant qu’homme dans la société, il faut vanter ses exploits sexuels auprès de ses amis. Et 32 % d’entre eux pensent sincèrement que le barbecue est une affaire d’homme…
« L’existence du numérique depuis une quinzaine d’années auquel les plus jeunes ont accès en toute liberté, contient des séquences quelques fois affreuses pour les femmes, des traitements dégradants…, explique Sylvie Pierre-Brossolette, présidente du Haut conseil à l’Égalité, Bien sûr, il y a le problème de la pornographie dont la procureur de Paris a dit que 90% des contenus relèvent du Code pénal tellement ils sont violents… Mais si vous regardez les clips musicaux, dans les paroles et les gestes, c’est pareil. Cela imprègne les esprits ! »
Bientôt un plan d’urgence de lutte contre le sexisme ?
Réguler internet, interdire les publicités sur les jouets genrés, augmenter les moyens financiers et humains pour former plus de magistrats chargés de traiter les violences intrafamiliales, ou encore rendre obligatoires les formations contre le sexisme par les employeurs… Le Haut conseil pour l’Égalité suggère la mise en place de dix recommandations pour un plan d’urgence de lutte. Ses membres ont été reçus par le président Macron, le 25 janvier dernier, pour en discuter.
D’après la militante Sophie Barre, il y a urgence : « Concernant la jeunesse, il faut commencer par appliquer les trois séances annuelles d’enseignement obligatoires (depuis une loi de 2001 ndlr), à la sexualité et à la vie affective, du collège au lycée. Ces enseignements comprennent évidemment des bases de biologie, mais apprennent aussi aux élèves ce que sont le respect et le consentement. »
33% des femmes ont déjà eu un rapport sexuel non consenti
Ce baromètre du sexisme interroge également pour la première fois la notion de consentement : 33% des femmes ont déjà eu un rapport sexuel alors qu’elles n’en avaient pas envie, suite à l’insistance de leur partenaire… On omet le terme pour éviter de choquer, mais le viol conjugal existe dans les foyers français.
Si le sexisme a encore de beaux jours devant lui dans notre pays, les violences qui en découlent deviennent alarmantes. 147 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2022. C’était 102 en 2020. Soit une augmentation en 2 ans de 44% de féminicides, dénomination donnée à ce meurtre de femme du fait qu’elle est une femme.
Les femmes sont conscientes que le monde est ainsi fait. Malheureusement, elles ont intégré le sexisme dans leur quotidien. Elles s’adaptent et elles renoncent. Plus d’une femme sur deux a renoncé à faire des activités seules, à sortir, ou encore à s’habiller comme elles le souhaitent. Elles connaissent les zones à risque où le sexisme peut devenir dangereux : en première position, la rue et les transports en commun… Et apparemment elles ne sont pas plus à l’abri dans les Fédérations sportives !