Voilà maintenant trois semaines que Sébastien Lecornu a été nommé à Matignon par Emmanuel Macron, après la chute fracassante de François Bayrou, désavoué par un vote de défiance historique à l’Assemblée nationale. Trois semaines, et toujours pas l’ombre d’un gouvernement. Pas de ministres, pas d’équipe, pas de cap clairement affiché.
Nommé le 9 septembre par Emmanuel Macron après la démission de François Bayrou, Sébastien Lecornu n’a toujours pas dévoilé la composition de son gouvernement. Vingt jours plus tard, l’exécutif se retrouve dans une situation inédite : un Premier ministre en place, mais aucun ministre autour de lui.
Le précédent record de lenteur, détenu par Michel Barnier en juillet, s’élevait à seize jours. Lecornu a donc déjà dépassé ce délai. Interrogé sur ce retard, il a affirmé vouloir privilégier « le quoi avant le qui » : définir un cap politique avant de choisir les personnes chargées de l’incarner.
Bayrou, un naufrage qui laisse des traces
La chute de François Bayrou, le 9 septembre dernier, a laissé des cicatrices profondes. Son projet de budget, taillé dans le marbre de l’austérité avec 44 milliards d’euros d’économies, avait crispé jusqu’à ses alliés. La sanction fut cinglante : 364 voix contre, 194 pour. Rarement un Premier ministre aura été si sèchement désavoué.
Dans ce contexte, Macron espérait sans doute que Lecornu, 39 ans, loyal serviteur du macronisme et fin négociateur, redonnerait un souffle politique. Mais faute de gouvernement, impossible pour lui de gouverner pour le moment.
Trois semaines de flottement : un record inquiétant
Depuis trois semaines, les Français assistent médusés à ce spectacle d’un pouvoir bloqué. Lecornu promet un “gouvernement resserré, efficace et rassembleur”. Mais derrière la formule, rien ne vient. Les tractations s’éternisent, les noms circulent puis disparaissent, les équilibres politiques semblent impossibles à trouver.
Pendant ce temps, le pays attend. Les collectivités locales ne savent toujours pas à quelle sauce budgétaire elles seront mangées. Les acteurs de la santé, déjà fragilisés, craignent de voir leurs financements gelés.
Le retard dans la formation du gouvernement traduit surtout les difficultés à bâtir une équipe capable de tenir face à l’Assemblée. La majorité présidentielle ne dispose plus que d’une assise relative et doit négocier au cas par cas avec la droite ou la gauche modérée pour éviter la censure.
Le problème est simple : il n’existe plus de majorité stable à l’Assemblée nationale. Lecornu ne peut pas s’appuyer sur un bloc solide. La droite LR hésite entre s’allier au macronisme et se préserver pour 2027. La gauche refuse tout compromis, dénonçant un projet budgétaire “antisocial”. Quant au Rassemblement national, il promet de censurer tout gouvernement “qui continuerait la politique de Macron”.
Lecornu est donc coincé : trop fragile pour imposer une équipe de choc, trop dépendant des compromis pour composer sereinement. Résultat, il temporise. Mais combien de temps peut-on gouverner un pays sans gouvernement ?
Une échéance : le 1er octobre
Face aux critiques, Lecornu s’est fixé une limite : annoncer son gouvernement avant le 1er octobre, date de la rentrée parlementaire. Il lui reste donc peu de jours pour composer une équipe crédible, capable de défendre un budget qui sera le premier test de sa survie politique.
Mais la marge de manœuvre semble étroite. Entre les exigences des syndicats, la pression du patronat et la défiance d’une large partie de l’Assemblée, l’équation paraît presque impossible.
Une image désastreuse pour l’exécutif
Dans l’opinion publique, cette attente est un poison lent. Chaque jour qui passe donne l’image d’un exécutif paralysé, incapable de décider, empêtré dans ses propres contradictions. Pour Emmanuel Macron, c’est un affaiblissement majeur : le président, qui aime se poser en stratège, semble désormais spectateur de ses propres choix.
La vérité, crue, brutale, s’impose : Emmanuel Macron a nommé un Premier ministre mais n’a plus de majorité pour gouverner. Et Sébastien Lecornu, malgré son énergie et sa loyauté, pourrait bien devenir le symbole d’une présidence à bout de souffle, incapable de transformer une nomination en véritable action.