Dans moins de deux ans, plusieurs des étudiants en 1ère année de master Journalisme International et Investigation – Histoire à l’Université Catholique de Lille feront leur entrée dans le monde professionnel. Une chose que certains d’entre eux appréhendent et ce, pour différentes raisons. Quatre étudiants de l’actuelle promotion, composée de vingt-cinq élèves, confient à Contrepoint leurs doutes, leurs peurs, mais aussi leur motivation.
Être journaliste, ça en fait rêver plus d’un. Pourtant, il est de notoriété publique que le métier soit mal vu et détesté par beaucoup. La confiance envers les médias est souvent remise en question, notamment depuis que le monde fait face à un flot continuel d’informations assez anxiogènes dans lequel il est difficile de démêler le vrai du faux.
Compliqué donc, d’obtenir un sourire chez son interlocuteur quand un étudiant en journalisme révèle à quel métier il se destine. Toutefois, aussi étrange que cela puisse paraître, presque aucun des étudiants en première année de master de journalisme à l’Université Catholique de Lille ne semble s’en inquiéter. Des doutes, ils en ont. Mais ceux-ci sont plutôt tournés vers la difficulté du métier en lui-même.
Comme pour toute autre profession, il est plus simple d’avoir déjà en bagage quelques aptitudes ou prédispositions. Mais avant tout, il faut passer par l’apprentissage et la mise en application. Pour cette raison, certains comme Lucas sont encore en pleine réflexion sur leur projet professionnel. Le journalisme ? Peut-être, mais rien n’est sûr. « C’est compliqué, j’ai du mal avec l’écriture. C’est pour cette raison que j’ai très envie de faire un stage, vivre une première expérience, pour voir si ça me plait ou pas et si c’est ce que je veux faire plus tard ».
Car en vue des différents points négatifs soulevés par le reste de la promotion, qui sont sources d’inquiétudes, il faut se sentir un minimum passionné pour s’engager dans cette voie.
Une faible rémunération
Les étudiants en journalisme le savent avant de commencer leurs études : la précarité financière fait partie du job. Tous – si ce n’est à de rares exceptions – auront de faibles revenus pendant leurs premières années de travail. Bien qu’ils en aient conscience, c’est une ombre au tableau qui reste particulièrement préoccupante chez certains. C’est le cas d’Alix : « Le premier point noir qui me vient en tête, à chaque fois, c’est l’aspect financier. Le métier de journaliste était et est toujours important sur la scène publique, mais à mon sens il n’a pas la rémunération qu’il devrait avoir […] On sait que pour la majorité d’entre nous, nous allons commencer à faire de la presse locale pendant une dizaine d’années, payés 1200 euros par mois (1)».
Concurrence et secteur bouché
Une autre appréhension est dominante chez les étudiants, celle de ne pas réussir à trouver le travail de ses rêves. « J’ai très peur de me retrouver avec un diplôme et de ne pas trouver de boulot, ou alors d’en avoir un bien en-dessous de ce que j’ambitionne » confie Dounïa. « Quand on se renseigne autour de nous ou quand on regarde des témoignages sur Internet, tout le monde arrive à la même conclusion : c’est un métier difficile, mal payé, où les opportunités se font rares. S’ajoute à cela qu’en tant qu’étudiants nous ne sortons pas d’une école reconnue par la profession. Pour certaines grandes rédactions, c’est rédhibitoire ».
Un ressenti partagé par Emma, qui a traversé des moments d’incertitudes depuis septembre dernier. « Il m’est arrivé de me sentir inférieure parce que je suis à la Catho et non pas à l’ESJ ou dans une autre grande école de journalisme. Ça me stressait d’entendre que parce que nous n’avons pas tous le même diplôme, alors nous n’aurions pas la même chance à la sortie des études. Ce sentiment s’est renforcé lors de la recherche de stage pour cet été. J’ai dû envoyer plus d’une cinquantaine de candidatures pour en trouver un. Ça m’a ruiné le moral ».
Exercer un métier-passion
Malgré leurs inquiétudes, les étudiants interrogés n’en démordent pas. « Je sais que c’est soit ça soit rien, il n’y a pas de plan B » explique Emma. « C’est ce que j’aime faire, c’est ma passion ».
« Je suis jeune, et si je n’essaye pas maintenant d’aller vers ce qui me fait rêver, je ne le ferai jamais » lance Dounïa avec motivation. « Quand j’ai commencé mes études je me disais dès le départ qu’il y aurait peu de chances que cela fonctionne, mais je préfère prendre le risque et y aller à fond. Si ça marche alors tant mieux. Dans le pire des cas, je sais que je serai capable de rebondir et de trouver des solutions ».
(1) 2281€ par mois en CDD, 2337€ en CDI, le revenu mensuel brut médian d’un jeune journaliste selon data.metiers-presse.org https://data.metiers-presse.org/overview.php#income/firstrequests/2022/none