Situé à Boulogne-sur-Mer, Nausicaá est le plus grand aquarium d’Europe. Dans un contexte économique difficile, il doit faire face à de nouveaux défis, notamment celui du bien-être animal. Nous avons abordé ces sujets avec Christophe Sirugue, directeur général du centre national de la mer.
Nausicaá est un acteur économique majeur de la région. Quels en sont les enjeux ?
Il y en a deux. D’abord des enjeux économiques. L’équilibre économique de Nausicaá a beaucoup souffert de la Covid, nous avons eu six millions d’euros de perte.
Maintenant, il faut compenser, et c’est un vrai défi. Heureusement, l’année 2022 a été la meilleure année depuis notre ouverture en 1991. Il faut maintenir ces résultats, d’autant que nous ne voulons pas augmenter nos tarifs. Il y a ensuite un enjeu sociétal, car nous travaillons avec du vivant. Nous faisons face à des questionnements qui sont légitimes sur les animaux en captivité. Nous devons expliquer en quoi notre travail n’est pas contraire au bien-être animal, auquel je suis par ailleurs très attaché. Nous ne devons pas être honteux de ce que nous faisons.
En 2019, vous avez perdu 30 requins marteaux, morts au cours de leur acclimatation à Nausicaá. Avec le recul, vous regrettez ?
Aujourd’hui, nous n’avons plus la même approche qu’à l’époque. Désormais, nous ne prélevons plus dans le milieu naturel. Les animaux que l’ont fait venir ici sont nés dans des établissements comme les nôtres. D’autres sont issus de coopération ou sont des animaux invasifs qui seraient tués dans le milieu naturel. Nous les récupérons pour permettre de soulager leur écosystème.
Dans le cadre de cette affaire, Sea Shepherd a porté plainte contre l’établissement. Qu’en pensez-vous ?
Sea Shepherd est dans son rôle, mais je regrette qu’il n’y ait pas de dialogue possible avec eux. Dans l’affaire des requins marteaux, les causes sont multifactorielles. Mais elle nous a aussi permis d’apporter un nouvel éclairage sur notre manière de s’occuper des animaux, de renforcer notre transparence en cas de problème. Par exemple, il y a quelques semaines, nous avons perdu notre femelle requin, notamment à cause de stimulants que nous lui avions donnés. Nous devons être capables d’en expliquer clairement les causes plutôt que de dire qu’elle est morte de vieillesse. C’est pourtant la raison que nous aurions donnée il y a dix ans…
Nausicaá est le plus grand aquarium d’Europe, avec notamment 17 000 m³ de bassins à chauffer ou à refroidir. Comment faites-vous face à l’augmentation du coût de l’énergie ?
Nos charges ont été multipliées par six, nos dépenses d’électricité sont passées de 600 000 euros à 3,4 millions d’euros par an. La crise énergétique est un vrai handicap, mais elle ne met pas en péril la situation économique de l’entreprise comme lors de la crise de la Covid 19. Durant l’exercice de l’année 2022, nous avons enregistré 1,6 million d’euros de bénéfices. Au quotidien, nous essayons de donner les bons gestes au personnel. Mais ce n’est pas suffisant. Nous devons mieux réfléchir nos projets, notamment nos extensions, pour être le plus économe possible. Nous le demandons expressément dans nos appels d’offres.
Selon vous, à quoi ressemblera l’aquarium de demain ?
L’aquarium de demain fonctionnera en réseau, lié à d’autres établissements dans le monde entier. L’aquarium de demain sera aussi un établissement travaillant avec du vivant, tout en étant un acteur engagé. L’aquarium de demain ne fera pas que présenter des expositions, il sensibilisera, il mobilisera et soutiendra des causes et des engagements. Nous devons expliquer à nos visiteurs qu’il y a un réchauffement climatique, qu’il est bien là et quelles en sont les conséquences au quotidien comme pour l’avenir.