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    Amar, sans-​abri : une rencontre gravée à vie 

    Le 10 mars marque le jour de ma rencontre avec Amar. C’est la fin des vacances hiver­nales. Une pluie tor­ren­tielle s’abat sur le bitume lillois. Les sans-​abri se protègent dans les locaux des asso­cia­tions encore ouvertes, avant que celles-​ci ne les renvoient.

    Rue Solférino, en face de l’Abej (un des prin­ci­paux centres d’accueil et d’insertion de Lille), j’aperçois un homme. Il fume une cigarette. Je l’aborde, il me répond, nous sym­pa­thi­sons. Il s’appelle Amar. Ses cheveux et sa barbe noire lui dur­cissent le visage, mais son sourire est récon­for­tant et rassurant. Il a 33 ans, mais ses traits tirés et sa figure fatiguée lui en donnent dix de plus. 

    L’homme est sans domicile. Je lui demande où il dort par ce temps. Il m’explique qu’il a trouvé une petite maison aban­don­née, délabrée mais qui lui permet de s’abriter. « Hier, il a tellement plu que le toit du premier étage s’est effondré à cause de l’humidité », confie-​t-​il. Il me propose de le suivre et j’accepte sans hésiter, désireuse d’apercevoir et de rendre compte de sa réalité. 

    Sa vie, son histoire, sa maison

    Après une vingtaine de minutes de marche sous la pluie, Amar ouvre la porte de ce qu’il considère être son chez lui. L’obscurité de la nuit a rempli les pièces vides de son abri humide. Sur le sol, j’aperçois un matelas, un lavabo cassé et les restes de son toit effondré. On s’installe, il se met à raconter son histoire. 

    Le matelas sur lequel il dort est trempé par l’hu­mi­dité. © Margaux Glamocic

    Amar a fui l’Algérie pendant la guerre, après avoir perdu son oeil, touché par le tir d’un militaire. La balle qu’il a reçue en plein visage a laissé une trace, celle de la première partie de sa vie, alors qu’il était encore si petit. Il n’a pas revu sa mère depuis plusieurs années, mais continue de se battre en espérant un meilleur avenir. « Tout ce que je veux c’est une femme, des enfants et un travail », dit-​il, avec un léger sourire. Mais comment trouver du travail lorsque le pays que vous avez choisi, après avoir tout quitté, n’est pas prêt à vous donner les papiers ? 

    Faute de moyens, il se débrouille comme il peut pour s’alimenter. Il mendie, accepte l’aide des asso­cia­tions, et mange parfois même à l’in­té­rieur des super­mar­chés. Un petit fromage, du pain ou une conserve de thon ; tout est bon à prendre, pour sortir de là, rassasié. Pour rester informé sur ce qui se passe dans le monde, l’homme se rend à la biblio­thèque chaque jour. Il lit l’actualité, empreinte des livres, prends des cours ou contacte les siens… Un rituel quotidien, qui lui permet d’être connecté à la réalité, bien que la sienne soit loin de ce que beaucoup pour­raient imaginer. 

    Une rencontre hors normes

    Nos vies sont si dif­fé­rentes. Il ne se plaint pas. Il ne me demande rien. Il me propose même à boire, bien que la canette qu’il me tend soit la dernière pour ce soir. Dans ses yeux, j’aperçois indul­gence et bien­veillance. Bonté, dignité mais surtout, une grande honnêteté. 

    Il m’emmène au resto du coeur, où il se rend tous les soirs. Il me présente ses amis, qui eux-​aussi, acceptent de témoigner de leur vie. Vient ensuite l’heure de se quitter, et je ne m’attendais pas à ce qu’il me soit si difficile de le laisser. Les heures que nous avons passées ensemble m’ont touchée en plein coeur, et j’avais l’impression de l’abandonner derrière moi, malgré que ce soit à contrecoeur.

    Je lui avais promis que je revien­drais, et c’est ce que j’ai fait. Quelques semaines plus tard, je lui apporte du matériel de première nécessité. Il semblait surpris et recon­nais­sant que je pense à lui, mais surtout, que je tienne mes enga­ge­ments. Il me montre les modi­fi­ca­tions qu’il a apportées à son intérieur, et a l’air si heureux dans ce lieu qui lui est si précieux. On se quitte avec le sourire, contents de s’être revus, comme nous l’avions prévu. 

    Amar un jour, mais pas pour toujours 

    Début octobre, j’y suis retournée, mais je n’ai pas eu l’accueil escompté. Lorsque je l’ai appelé par son prénom, il ne s’est pas retourné. Quand je l’ai abordé, il n’avait pas l’air de se rappeler… De moi, de nous, ou de nos moments partagés. J’étais persuadée qu’il s’agissait bien de l’homme que j’avais rencontré quelques mois plus tôt, mais celui-​ci ne répondait plus au prénom qu’il m’avait donné. J’ai d’abord été vexée, mais j’ai accepté son choix de ne pas vouloir partager sa nouvelle identité. Après réflexion, j’ai compris que cette histoire n’avait rien à voir avec moi, et que je ne pourrais pro­ba­ble­ment jamais com­prendre ce que les personnes dans la rue doivent faire ou dire pour survivre. Parce que moi, j’ai un toit. 

    J’espère que son chan­ge­ment de nom lui a permis de tourner la page, et d’avancer vers les rêves dont il m’avait parlé. Je ne reverrai pro­ba­ble­ment plus jamais Amar, mais je me sens si recon­nais­sante d’avoir pu faire partie de sa vie, même un court instant. Il est l’une de ces ren­contres qui vous marquent, et qui parfois même vous changent la vie. Amar n’était peut-​être qu’un prénom d’un jour, mais le souvenir des moments passés avec lui resteront gravés en moi pour toujours. 

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