Au début du mois, le tribunal de Lille a condamné à des peines d’emprisonnement ferme des trafiquants interpellés en 2022, dans l’affaire dite de la « Tour de la Beuh ».
Lorsqu’on approche de l’Épi de Soil, ce quartier de Lille-Sud, impossible de rater l’imposante résidence Jules-Vallès et ses quatre tours qui fendent le ciel. En 2020, la police y avait déjà démantelé un réseau de trafic de stupéfiants, qui rapportait plus de 40 000 € par jour aux trafiquants. Pourtant, sur place, les premiers riverains que nous rencontrons affichent un air serein. « Ma vie à moi, elle est incroyable », nous confie le concierge du complexe sportif du quartier. « Les délinquants sont partis depuis longtemps » s’exprime un autre habitant. Dans la rue voisine, plusieurs femmes et personnes âgées refusent cependant de nous adresser la parole, les mots « journaliste » et « drogue » semblent les effrayer.
Vite repérés !
Au pied de la résidence, la rue Flora-Tristan s’étire jusqu’au collège Louise Michel. Quelques minutes après la sonnerie, les élèves profitent de la liberté tant attendue de la fin de journée. Une rue plus loin, les guetteurs commencent leurs propres devoirs. Dès que nous arrivons à leur niveau, le groupe d’hommes en noir s’agite. L’un deux siffle et la place se vide, nous venons de nous faire repérer. Lors de notre deuxième visite, l’accueil est encore moins chaleureux. Alors que nous prenons des photos de manière discrète, un homme emcapuchonné s’approche et nous recommande vivement de quitter les lieux.
« Bougez de là avant que ça parte en c… »
Un guetteur
La place que nous venons de quitter est située à l’entrée de la zone de non-droit. Ses rues vides et silencieuses contrastent avec l’effervescence des boulevards qui entourent le quartier.
Les enfants menacés
À la sortie des cours, nous rencontrons une enseignante au collège Louise Michel. Un an après sa mutation à Épi-de-Soil, elle craint toujours les intrusions dans son collège et s’attriste de la facilité avec laquelle les jeunes se font entraîner dans le trafic. « On se sent impuissant » nous confie-t-elle. Elle se souvient d’un de ses anciens élèves, dont la tante était mule pour un réseau de trafiquants. « L’établissement fait des signalements, mais on ne peut rien faire de plus. Les enfants qu’on met là sont perdus. »
« On se sent impuissant »
Une enseignante
À la fin de la journée, grande surprise ! Nous retrouvons la porte de l’un des immeubles de la résidence Jules-Vallès, grande ouverte. L’occasion pour nous d’inspecter la fameuse Tour de la Beuh, tant fantasmée par les médias. Chaque palier est vide, chaque couloir est sombre, mais aucun trafiquant à l’horizon. C’est pourtant bien au 14e étage que ces derniers font leur « beurre », selon madame X, habitante du quartier depuis 1998. « Il y a des enfants qui vivent juste à côté » nous confie-t-elle, le regard inquiet. Devant l’immeuble voisin, un enfant est assis sur une chaise pliante, deux hommes en survêtement à ses côtés…