La chute de François Bayrou montre un rejet fort de la politique d’austérité. Son plan d’économies a fait monter la colère sociale, déjà présente face à la perte du pouvoir d’achat et aux inégalités. Malgré les gestes d’apaisement de son successeur Sébastien Lecornu, la défiance reste grande. La France connaît une crise politique profonde avec une forte polarisation qui pourrait s’aggraver d’ici 2027.
La chute de François Bayrou n’est pas seulement l’histoire d’un échec politique : elle est le symptôme d’un rejet profond, presque viscéral, de la politique d’austérité. Le plan de 44 milliards d’euros d’économies a agi comme un catalyseur, augmentant un mécontentement social déjà bien présent autour des questions de pouvoir d’achat, d’inégalités et de justice sociale.
L’austérité, déclencheur d’une crise politique
La politique de François Bayrou a été critiquée par des oppositions pourtant antagonistes. D’un extrême à l’autre de l’échiquier, les propositions de l’ancien ministre ont été perçues comme un « sacrifice des Français », avec comme mesure : le gel des retraites et des prestations sociales, une diminution du remboursement pour certains médicaments, suppression de deux jours fériés et de 3 000 postes dans la fonction publique.
Il faut ajouter à cela les paroles maladroites de F. Bayrou qui semblait voir le peuple français comme une masse grincheuse qui ne comprend pas l’objectif de son plan. Entre « un effort demandé à tous les Français » ou la représentation des Français qui se préparent à manifester le 10 septembre comparés à des esclaves égyptiens dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre.
Dans l’opinion publique, ce plan est apparu comme un exemple supplémentaire du fossé entre les élites politiques et les réalités vécues au quotidien.
Mobilisation sociale contre le gouvernement
L’annonce des mesures a déclenché de fortes mobilisations, avec manifestations massives et participation de syndicats, collectifs citoyens, étudiants et associations de précaires. L’échec de Bayrou révèle ainsi que, face à une mobilisation sociale massive et persistante, l’Assemblée nationale ne peut pas ignorer la pression exercée par la rue dans ses choix politiques.
Le Premier ministre Sébastien Lecornu hérite d’une France en colère. Si les mesures économiques impopulaires se poursuivent, la contestation pourrait s’intensifier, relançant des mouvements de type « gilets jaunes » et accentuant la polarisation entre gouvernement centriste et opposition.
Le nouveau Premier ministre est perçu avec scepticisme et inquiétude par une majorité de Français. Sa cote de confiance est historiquement basse, autour de 16 à 34 %, ce qui est même inférieur à celle de François Bayrou au même poste. Dans ce climat de tension, il opte pour une communication modeste et entreprend quelques gestes d’apaisement, comme le renoncement à des mesures jugées provocatrices comme la suppression de jours fériés ou bien les avantages à vie pour anciens ministres. Il n’a cependant pas promis une rupture complète avec l’austérité voulue par Bayrou. Lecornu, sous forte pression de la rue et des syndicats, a jusqu’au début octobre pour présenter un budget acceptable.
La France de demain
Aujourd’hui, changer le Premier ministre ne suffit plus à rétablir un climat d’entente et de satisfaction nationale. Le problème dépasse la personne, il s’agit d’une crise structurelle de la politique française. La France connaît une instabilité sans précédent avec quatre Premiers ministres en moins de trois ans, ce qui est exceptionnel dans le régime semi-présidentiel français. Ces événements creusent fortement la polarisation en France, aussi bien au niveau politique que social.
Une étude scientifique menée par le Cepremap et publiée début 2025 a analysé près de deux millions de discours prononcés à l’Assemblée nationale entre 2007 et 2024. Elle révèle une évolution spectaculaire : la distance, c’est-à-dire le degré de divergence dans le vocabulaire employé, les arguments avancés et les émotions exprimées, entre les députés de camps opposés a été multipliée par six. Les échanges parlementaires se sont ainsi transformés, devenant plus polarisés et conflictuels, laissant davantage de place à l’émotion et à l’affrontement, au détriment de l’argumentation.
L’élection présidentielle de 2027 risque de cristalliser une société française toujours très polarisée, avec un vote de défiance fort contre les élites traditionnelles. Cela pourrait prolonger, voire accentuer, les divisions sociales et politiques actuelles, notamment si les problèmes économiques et sociaux perdurent.